Les premiers malaises dont Florence se souvient remontent à la petite enfance. Elle avait 5 ans, tout comme sa sœur jumelle Bénédicte. La famille Dupré la Tour vivait dans le confort d’une luxueuse résidence de Buenos Aires. Tout allait bien. Les semaines étaient rythmées par les prières, les messes et les cocktails.
Nous vivions en vase clos, entre "Expats", et j’avais la rassurante certitude que nous représentions le summum de la civilisation humaine, entourés de barbares incultes et pauvres.
Sage et docile comme elle l’était, Florence était forcément promise au paradis. Oui, mais… Parfois cette douce harmonie laissait percer des "dissonances". On ne lui disait pas tout… Par exemple: "Par où le bébé pouvait-il bien sortir?" Et encore plus intriguant: "Par où avait-il bien pu entrer?" Et ce ne furent que les premiers des dizaines de mystères qui ont amplifié la colère qui détermine Flo tout au long de sa jeunesse.
Humour et autodérision
Aujourd’hui, 30 ans plus tard et plus, Florence Dupré la Tour n’a toujours pas fini d’en découdre. Assez pour tout reprendre à zéro et tout coucher sur le papier. L’autrice française mène une démarche rétrospective et introspective. Revisiter sa vie de zéro à 18 ans, étape par étape. A commencer par "Cruelle", paru chez Dargaud en 2016 – une première thématique pour dire son rapport – plutôt tyrannique – aux animaux. Avec "Pucelle" on passe rapidement à l’âge de la puberté, où l’autrice raconte son rapport à ce qu’elle présente elle-même comme la non-sexualité. Elle l’explore sérieusement et très consciencieusement, mais avec des trésors d’humour et d’autodérision.
L’héritage de Claire Bretécher
Elle est comme ça, Florence Dupré la Tour. Tenace, exigeante et endurante. Elle prend son temps. Tout au début, elle commence par les Beaux-Arts, mais vers 30 ans, après avoir croisé le talent de Yoann Sfar, romancier, réalisateur et auteur de bandes dessinées à succès, elle trouve sa voie dans le 9e art. Un vecteur idéal pour déployer ses talents et sa pensée.
Car elle est talentueuse, Florence Dupré la Tour, assez pour décrocher, cette année 2020, le prix Artémisia, réservé aux créatrices de bande dessinée. Juste récompense d’une autrice qui se réclame de la famille des Claire Bretécher, des Aude Picault ou des Catherine Meurisse…
La comparaison est intéressante: Florence Dupré la Tour retourne en enfance pour exorciser les blessures infligées par une éducation un peu carrée. Tandis que Catherine Meurisse, possiblement rescapée de l’attentat de Charlie Hebdo pour raison d’un bus manqué, retourne elle aussi en enfance dans "Les Grands Espaces", également publié chez Dargaud, mais pour y trouver matière à résilience.
Marlène Métrailler/aq
"Pucelle. 1: Débutante", Florence Dupré la Tour, éditions Dargaud
Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.