Tout dans le dernier livre de Chantal Thomas n'est qu'exaltation de la liberté, du plaisir et de "ces instants qui donnent l'ossature à l'existence" comme le formule si joliment l'écrivain voyageur genevois Nicolas Bouvier cité en exergue. L'ouvrage aurait dû paraître le 2 avril mais sa sortie a été repoussée, Coronavirus et confinement obligent. "Café Vivre" est un recueil de chroniques que l'autrice a d'abord fait paraître dans le quotidien Sud Ouest, pendant quatre ans, entre 2014 et 2018.
De New York à Kyoto
De brefs textes que l'écrivaine et essayiste française, lauréate du Grand Prix de la Société des gens de lettres pour l'ensemble de son œuvre et prix Femina 2002 pour son roman "Les Adieux à la Reine", a écrits au fil de ses déplacements. De Montréal - "un lieu où on a le sentiment d'être heureux" - à New York - ville particulièrement chère à son cœur parce qu'elle y a passé une partie de sa folle jeunesse dans les années 1970 - en passant par la poétique Kyoto qui vit au rythme du cycle des saisons, ou la froide Zurich où Chantal Thomas a enseigné.
"On peut lire "Café Vivre" comme un journal de voyage, si l'on croit que chaque matin contient une occasion de départ et une chance d'aventure, émotive, intellectuelle, la recherche d'une certaine qualité de vibrations", dévoile l'autrice dans la préface.
Le café, un autre chez soi
Mais, ici les voyages ne sont pas uniquement géographiques. Dans ses chroniques, Chantal Thomas partage aussi avec ses lecteurs son art de voyager dans le temps, dans l'histoire et celui de tutoyer les poètes et les artistes du passé. Un don qu'elle exerce avec une enchanteresse désinvolture et une épatante érudition.
Ainsi, la peinture du Japonais Hokusai converse avec les couleurs de l'artiste américain David Hockney, tout comme Diderot, Voltaire ou les poètes de la Beat Generation accompagnent le fil des pensées de l'autrice qui n'aime rien tant que d'écrire et lire dans les cafés.
Ces lieux, qu'elle a fréquentés aux quatre coins du monde, sont d'ailleurs les véritables personnages de ce livre, au point que l'un d'entre eux situé à Kyoto donne son titre au présent ouvrage. "Le sentiment d'être vivant se produit particulièrement bien dans les cafés, dévoile Chantal Thomas. Ce sont des lieux ouverts mais où le repli sur soi est permis. On pousse la porte, on est chez soi tout en étant sorti de chez soi. Un mélange qui est essentiel pour l'imagination."
L’amour du détail
In fine, célébrer ces bistrots, ces lieux dans lesquels chacun ne fait que passer, est aussi une façon pour Chantal Thomas de réaffirmer cette sorte de détachement et de légèreté que l'autrice cultive face à la vie depuis l'enfance. "Ce sont souvent les détails, les personnages secondaires ou les émotions furtives qui dessinent ce qui en nous est essentiel", explique-t-elle.
Et d'ajouter que ce goût pour le "fugitif heureux" lui vient de ses jeunes années "passées en bord de mer, dans le bassin d'Arcachon, à observer des bancs de sable qui apparaissent puis disparaissent sous la mer... C'était en quelque sorte ma première leçon d'un monde flottant. Ma vision du monde est liée à ce qui est fugitif. J'aime ce qui n'est pas fait pour durer."
Linn Levy/aq
Chantal Thomas, "Café Vivre. Chroniques en passant", Editions du Seuil.
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