Publié

Marie-Aimée Lebreton raconte l'absurdité de la guerre d'Algérie

L'écrivaine Marie Aimée Lebreton. [Editions Buchet-Chastel - Héloïse Jouanard]
Entretien avec Marie-Aimée Lebreton, auteure de "Jacques et la corvée de bois" / QWERTZ / 16 min. / le 18 juin 2020
Le nouveau roman de Marie-Aimée Lebreton, "Jacques et la corvée de bois", nous plonge dans l'Algérie de la fin du colonialisme avec Jacques, un jeune soldat français, qui fait face à l'absurdité de sa condition et de cette guerre finissante.

"Quelqu'un de bien". Ce sont les premiers mots du roman de Marie-Aimée Lebreton, écrivaine française et docteure en philosophie. Ils désignent Jacques, le personnage principal de ce livre poétique et poignant, composé de 104 brefs chapitres qui ressemblent à d'énigmatiques petits tableaux, ou aux morceaux épars d'un miroir brisé.

Jacques est un jeune Français né dans une modeste famille nîmoise, dans les années 1940, il est orphelin de mère. Son père, en proie à des épisodes dépressifs et écrasé par sa condition, encourage son fils à effectuer son service militaire en Algérie dans l'espoir d'une vie meilleure pour lui.

Une mission "simple"

Ces mots-là - "quelqu'un de bien" - sont signés de la main du chef militaire Mangano et sont destinés à la commission hiérarchie de l'Armée française d'Algérie. Grâce à cette appréciation écrite par un haut gradé, Jacques fera partie des jeunes appelés du 35e régiment qui embarqueront un soir, du port de Marseille vers cette Algérie qui endure un "colonialisme finissant". Leur mission sera "simple", selon les mots de l'adjudant Rolles: puisque là-bas "les événements" touchent à leur fin, il s'agira tout bonnement d'"accompagner la transition". Bien évidemment, une fois sur place, la réalité du jeune soldat sera tout autre, et bien plus cruelle.

Aucune parole ne viendrait donner du sens, aucune grâce pour accompagner, rien qui puisse le sauver, sauf à trouver un endroit où ne pas penser.

Marie-Aimée Lebreton, "Jacques et la corvée de bois"

Sur le sol algérien, l'absurdité de la guerre et des incessants contrôles d'identité des habitants que l'on ne désigne que par le terme "bicots", l'aberration de la vie en garnison et du décorum militaire peinant à masquer les abus, ajoutés au bruit des camions qui explosent sur des mines, finissent d'écraser le jeune Jacques. Il résiste pourtant, parce qu'il a, pour lui, une sorte d'indifférence innée face à la vie qui lui a toujours permis - jusqu'ici - de faire face.

Jacques le fataliste

La couverture du livre "Jacques et la corvée de bois" de Marie-Aimée Lebreton.
La couverture du livre "Jacques et la corvée de bois" de Marie-Aimée Lebreton.

"Ne pas penser. Être au milieu des autres sans trop craindre pour son déséquilibre", se répète-t-il. Il arrive à s'échapper par la pensée, à s'extraire de sa situation et à faire, de temps à autre, remonter le passé heureux partagé avec son meilleur ami François et avec la belle Jeanne qu'il n'a plus revus depuis son départ. "En apparence il faisait les choses, mais en réalité il s'échappait dans une étendue sans fin, comme une vérité, où il pouvait penser aux baignades avec François ou à la nuque de Jeanne".

Avec son ami François, le lien avait été immédiat, dès l'enfance. Une évidence, bien que tout, dès l'origine, les sépare: la classe sociale, le caractère, l'aptitude aux études. Alors que Jacques s'enfonce dans la guerre comme simple recrue, François entre à Polytechnique et en sort major et gradé. Les deux jeunes hommes ne se voient plus. Puis un jour, à Alger, alors que la guerre semble enfin s'achever et qu'une cérémonie officielle est organisée par les autorités, ils se croisent. Ils ne sont plus les mêmes. Leur amitié aura-t-elle résisté aux événements?

Linn Levy/aq

"Jacques et la corvée de bois", Marie-Aimée Lebreton, Ed. Buchet-Chastel.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié