Paris, les années 70. Dans une librairie de la rive gauche, un jeune étudiant américain sans le sou, Sam, rencontre une femme mystérieuse, Isabelle, une traductrice française, un peu plus âgée que lui et mariée. Entre Sam et Isabelle, c'est le coup de foudre. Commence alors une liaison tumultueuse, des cinq à sept fiévreux, des rendez-vous furtifs, des moments volés, la définition même de la relation clandestine.
"Isabelle, l'après-midi" accompagne le parcours de vie de ces deux personnages pendant 35 ans, chacun confronté à des choix difficiles, parfois aléatoires, parfois tragiques. Au cours d'une relation amoureuse, l'auteur montre bien que le pouvoir change tout le temps au sein du couple.
La culture qui va mal
"Isabelle, l'après-midi" est un roman d'amour, bien sûr, mais aussi un livre qui égratigne l'Amérique bien pensante et dit son amour pour l'art. "La culture, c'est mon église" dit l'auteur américain qui a vécu plus de 35 ans hors des Etats-Unis et qui s'inquiète de la voir bradée sous le règne de Donald Trump. "En Europe, où elle est en partie subventionnée, la culture résiste, aux Etats-Unis, la situation est horrible. Quand on en arrive à avoir de la nostalgie pour George W. Bush, c'est que cela va très mal". Mais pour l'écrivain à la double culture, "tout est supportable quand on a un billet de retour".
La ville de Paris comme un personnage
Ce Paris des années 70 qu'il décrit, Douglas Kennedy le connaît bien. Il y a vécu, aimé, travaillé et en conserve un souvenir très vif, d'où la précision avec laquelle il décrit les lieux, intérieurs et extérieurs. "J'utilise la ville comme un personnage". Pour lui, comme pour Sam, Paris fut une révélation et l'écrivain a coutume de dire en riant que "la France l'a corrompu... mais avec son consentement".
"A 22 ans, à New York, j'ai compris que j'hériterais du conformisme américain. J'avais beaucoup de pressions sur mes épaules et j'ai fui pour vivre une vie de bohème, avec beaucoup de liberté" poursuit Douglas Kennedy, en entretien téléphonique, depuis sa maison du Maine, où il est confiné depuis quatre mois. "C'est bizarre de rester si longtemps dans le même endroit mais le Maine est sublime, les arbres magnifiques et je suis à quelques pas de la mer".
La passion contre la routine
Dans son dernier roman, Douglas Kennedy interroge la passion avec une forte charge érotique. Est-elle plus forte quand elle n'est pas soumise à la vie quotidienne? "Oui, la routine change un couple, les enfants aussi. J'ai été marié pendant 25 ans avec ma première femme, et s'il y avait des choses magnifiques dans cette vie quotidienne, il y avait aussi des pièges, dont l'ennui. Nous ne sommes plus au 19e siècle, où un mariage devait durer jusqu'à la mort, nous sommes l'architecte de nos prisons". Dans le cas de Sam et Isabelle, la passion a un prix: la séparation.
Ils sont très amoureux, mais très séparés, c'est à cause de cela que leur amour dure jusqu'à la fin.
Le puritanisme américain
Tous les romans de l'auteur de "L'Homme qui voulait vivre sa vie" tournent autour d'une seule question: "Qu'est-ce qu'on veut vraiment?" Dans un grand éclat de rire, lui-même avoue ne pas savoir répondre.
Roman érotique et sentimental écrit à la première personne du singulier, "Isabelle, l'après-midi", sans faire l'apologie de l'adultère, s'interroge sur l'infidélité comme une liberté possible."Elle peut être physique ou émotionnelle. Ici, aux Etats-Unis, elle est perçue comme un péché mortel, à cause de nos racines puritaines. Je sais que mon livre va provoquer", poursuit l'auteur qui ajoute: "Je crois savoir pourquoi j'ai un large public. J'écris mes obsessions et je découvre que la moitié du monde les partage."
Propos recueillis par Laurence Froidevaux
Adaptation web: Marie-Claude Martin
Douglas Kennedy, "Isabelle, l'après-midi", éditions Belfond