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Elisa Shua Dusapin, une romancière aux confins du monde

L'écrivain Elisa Shua Dusapin. [Keystone - Anthony Anex]
Entretien avec Elisa Shua Dusapin, autrice de "Vladivostok Circus" / QWERTZ / 23 min. / le 24 août 2020
Avec "Vladivostok Circus", la jeune prodige des lettres romandes nous entraîne en Sibérie dans un univers circassien fascinant et énigmatique, où la confiance entre les êtres est primordiale.

"Vladivostok Circus", le troisième roman d'Elisa Shua Dusapin, est un livre impressionniste qui entraîne le lecteur aux confins du monde, en Sibérie plus exactement, dans un univers du cirque énigmatique et presque suranné.

Ainsi, après avoir emmené ses lecteurs en Corée du Sud dans son premier roman, "Hiver à Sokcho" en 2016 (prix Robert-Walser et le prix de la Société des Gens de lettres, notamment), puis au Japon dans son deuxième roman, "Les Billes du Pachinko" (Prix suisse de littérature 2019), c'est à nouveau d’Extrême-Orient - mais russe cette fois-ci -, dont il est question ici.

Je suis le plus loin possible de mon point de retour

Extrait de "Vladivostok Circus" d'Elisa Shua Dusapin

Une atmosphère mystérieuse

Et c'est un plaisir de retrouver la plume et l'univers de cette très jeune écrivaine franco-suisse et coréenne, prodige des lettres romandes âgée de 28 ans, tant l'atmosphère qui plane sur ce roman est mystérieuse. Le lecteur y suit Nathalie, une jeune Française de 22 ans, qui débarque sur sol russe sans trop savoir ni comment, ni réellement où elle met les pieds. "Je ne suis pas attendue, je pense", confie-t-elle pleine de doutes, à la première ligne du roman.

Mais la jeune femme finira bien vite par trouver le moyen de rejoindre ses futurs employeurs dans l'enceinte désertée d'un cirque entre deux saisons: le Canadien Léon, metteur en scène, et les Russes Anna, Anton et Nino, le trio d'artistes-acrobates fraîchement formé, qui se prépare sans relâche au concours international d'Oulan-Oude, l'une des plus prestigieuses compétitions circassiennes de Russie.

Je suis moins intéressée par ce que dit un habit que par le fait de travailler sur des corps.

Extrait de "Vladivostok Circus" d'Elisa Shua Dusapin

Nathalie est costumière de théâtre et de cinéma. Elle sort tout juste de l'école, n'a jamais connu l'univers du cirque avant ce voyage. Mais elle a choisi de retourner quelques mois à Vladivostok, le lieu de sa prime enfance, et de rejoindre le Vladivostok Circus pour un job provisoire, sur les conseils de l'un de ses professeurs. Son rôle: dessiner les futures tenues du trio qui s'entraîne à la barre russe.

Un art délicat, où tout est affaire de confiance. Et où rien, ni les sentiments, ni le passé, et encore moins les habits, ne doit venir entraver l'entente et les mouvements des deux porteurs stars - Anton et Nino - et de l'acrobate Anna, nouvelle venue dans l'équipe, qui virevolte sans filet.

Le fragile équilibre qui unit les êtres

L'écriture sensible d'Elisa Shua Dusapin permet au lecteur de capter, sans toujours comprendre comment, les enjeux des liens qui se tissent entre les personnages, de saisir leurs rapports au passé et même de sentir les tensions intimes qui les traversent. Tout ici est méditation sur le fragile équilibre qui unit les êtres, mais aussi sur les limites et parfois les contraintes posées par le corps humain.

D'ailleurs, en plus d'Anna, Nathalie, Léon, Anton et Nino, le cirque est aussi l'un des personnages principaux de ce roman. Un art très particulier, sans doute méconnu, mais aussi souvent déconsidéré: "Maintenant, on est vus au mieux comme des saltimbanques. Des animateurs de foire", confie l'un des membres du trio à la jeune Nathalie.

Linn Levy/aq

Elisa Shua Dusapin "Vladivostok Circus", éd. Zoé

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