Pauline Harmange, 25 ans, habite à Lille avec son mari et son chat. Elle tient depuis plusieurs années un blog sur lequel elle se présente comme "végétarienne, féministe, farouchement engagée pour un monde meilleur". Le 19 août dernier, elle publie un petit essai intitulé "Moi, les hommes je les déteste". Dans ce texte, pour faire très bref et très résumé, elle dit défendre le droit à une méfiance de genre.
"Je n'ai tout simplement pas confiance en eux" confiait-elle jeudi dernier dans une interview. "Cela vient moins d'une expérience personnelle que du fait d'être militante dans une organisation féministe qui aide les victimes de viols et d'agressions sexuelles depuis plusieurs années. Je peux affirmer avec certitude que la majorité des agresseurs sont des hommes". Dans ses écrits, elle ajoute: "Et si les femmes avaient de bonnes raisons de détester les hommes?"
Et si la colère envers les hommes était en fait un chemin joyeux et émancipateur lorsqu'elle peut s'exprimer?
Editeur artisanal
Pauline Harmange le dit: elle n'aime pas les hommes. On adhère ou non à cet argumentaire extrême, mais il reste qu’il n'est pas question d’un appel au meurtre. L'opuscule de cette anonyme est initialement publié à 500 exemplaires, chez un micro-éditeur presque artisanal, Monstrograph: l’histoire aurait pu s’arrêter là.
Sauf qu’en plein été, un des conseillers de la ministre déléguée française à l’égalité homme-femme tombe sur le programme de publication, ne lit que le titre et la quatrième de couverture et envoie illico un mail comminatoire à la maison d’édition, intimant l’ordre de supprimer cette publication qui représente selon lui un appel à la haine sur la base du genre. Avec à la clé, une menace de poursuites judiciaires.
Le media d’investigation Mediapart a vent de l’histoire, et là, tout s’emballe. Le fonctionnaire, qui a agi seul, est lâché par sa hiérarchie et se retrouve vite accusé de faire dans la "cancel culture", la très contemporaine "culture de la suppression", avec des relents de censure et d'intimidation.
Une publicité d'enfer
C’est ainsi que se met en place le fameux effet Streisand, une théorie mainte fois éprouvée qui consiste à dire qu’à l’ère des réseaux sociaux, vouloir supprimer une publication revient à lui faire une publicité d’enfer. Et bingo: les commandes explosent, le livre est en rupture de stock. L'éditeur le réédite trois fois. Mais à deux personnes, et bénévoles qui plus est, il n'est plus possible de suivre le rythme des commandes et d'assumer le succès.
Alors les grandes maisons d'édition, alléchées, se pressent au portillon. Le livre reparaîtra en octobre, en grand format et en grand tirage chez Seuil qui prévoit même déjà de le publier ensuite en poche!
Pauline Harmange, elle, est assaillie de demandes d’interview. Et le petit opuscule au titre racoleur est désormais promis à un destin planétaire: des maisons d’édition du monde entier dont une quinzaine d’éditeurs américains et anglais ont déjà fait des offres pour les droits.
Benjamin Luis/mh