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Dans "La voyageuse de nuit", Laure Adler enquête au pays de la vieillesse

Laure Adler [www.grasset.fr - J.-F. Paga]
Entretien avec Laure Adler, auteure de "La Voyageuse de nuit" / QWERTZ / 35 min. / le 2 octobre 2020
Laure Adler, femme de radio et écrivaine très engagée dans les questions féministes, a écrit des biographies de femmes qui font date (Duras, Arendt, Weil). Avec son livre "La voyageuse de nuit", elle se lance à 70 ans dans une enquête au pays de la vieillesse.

Cette enquête, entamée en 2014, est aussi un voyage culturel: peinture, théâtre, cinéma, danse, littérature sont convoqués pour explorer les territoires de la vieillesse. A commencer par l'origine du titre, tiré d'une citation du livre de Chateaubriand, "La vie de Rancé": "La vieillesse est une voyageuse de nuit: la terre lui est cachée; elle ne découvre plus que le ciel".

Un des détonateurs de cette démarche, c'est le livre "La Vieillesse" de Simone de Beauvoir, écrit il y a cinquante ans, dans lequel l'écrivaine affirme que "la vieillesse est un secret honteux et un sujet interdit".

Une situation qui s'aggrave

Pour Laure Adler, la situation s'est aggravée depuis les années 1970. "La vieillesse est devenue une exclusion, de facto, une invisibilisation, on ne doit pas en parler, on ne doit pas se montrer, on est des personnes 'à risque', on est des personnes dangereuses, on est des personnes emmerdeuses", déclare-t-elle.

Politique, économique, sociale, la question de la vieillesse est abordée sur tous ces plans, avec un accent particulier sur les structures actuelles censées accueillir le grand âge (les EHPAD, l'équivalent des EMS en Suisse). Laure Adler partage son indignation avec ferveur.

Est-ce un hasard si, après les récents cimetières situés en dehors du cœur des villes, les nouveaux EHPAD sont, eux aussi, pour la plupart, loin du cœur de la cité?

Laure Adler, "La voyageuse de nuit"

Laure Adler est une écrivaine célèbre pour ses biographies de femmes et ses essais autour des questions féministes. Dans "La voyageuse de nuit", elle souligne combien le constat de la vieillesse est encore plus noir quand il s'agit des femmes.

Il y a pire qu'un vieux sans signe distinctif. C'est une vieille. Il y a pire qu'une vieille. C'est un vieux pauvre. Il y a pire qu'un vieux pauvre: c'est une vieille pauvre.

Laure Adler, "La voyageuse de nuit"

Un autre regard sur la vieillesse

"Vieillir est une distinction et mourir un rite de passage", c'est ce que disait sa grand-mère à la grande danseuse sénégalaise Germaine Acogny. Laure Adler a convié toute une ronde de noms: Marguerite Duras, Agnès Varda, Edgard Morin, Manuel de Oliveira, Victor Hugo, Stéphane Hessel, Marcel Proust, Voltaire, George Sand, Claude Régy, Françoise Héritier et bien d'autres encore. Des personnes admirées ou connues de leur vivant pour leur laisser nous dire combien la vieillesse peut être belle, pleine de sens et de jouissances, malgré tout, comment on peut trouver sa forme de vieillesse et garder sa liberté de continuer à exister.

Comment maintenir ouverte et battante cette porte qui mène vers la vieillesse? Ne pas la refuser. Ne pas s'y habituer.

Laure Adler, "La voyageuse de nuit"

Plus qu'une consolation, ces citations et rencontres sont pensées pour nous aider à changer notre regard, à reconfigurer notre manière d'imaginer et de vivre la vieillesse… que nous soyons déjà vieux, ou pas encore.

Isabelle Carceles/ld

"La voyageuse de nuit", Laure Adler, Editions Grasset.

Laure Adler sera présente le 8 octobre 2020 pour une conférence au Club 44 à la Chaux-de-Fonds.

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