Publié

Clovis Maillet se penche sur la question trans à l'époque médiévale

Jeanne d'Arc chevauchant devant Orléans. [DP]
Entretien avec Clovis Maillet, auteur de "Les Genres fluides" / QWERTZ / 37 min. / le 12 octobre 2020
Non-binarité, transidentité, ces notions remontent loin dans le temps si l’on en croit Clovis Maillet, historien médiéviste qui vient de faire paraître un essai consacré à ce sujet.

Dans "Les genres fluides, de Jeanne d'Arc aux Saintes trans" paru aux éditions Arkhé, Clovis Maillet rapporte des histoires, des anecdotes, des récits surprenants, parfois miraculeux, tirés de la "Légende dorée".

Des histoires qui ont le mérite de nous faire réaliser que la question des genres est présente dans la société occidentale depuis bien longtemps et que les concepts d’identité sexuelle peuvent être flottants, lorsqu’ils sont observés avec un recul plus que millénaire.

Un sentiment d'urgence

L’auteur précise qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage militant, mais d’une "anthropologie historique". Une démarche provoquée par "un sentiment d’urgence né d’une instrumentalisation des exemples médiévaux pour défendre une certaine conception de la 'famille'. Ainsi que de la différence de genre et de sexe, transphobe, homophobe et hétéronormative".

Ce qui nous ramène à la période du "mariage pour tous", soit l’ouverture du mariage aux couples homosexuels en France, en 2013. C’est la période durant laquelle Clovis Maillet constate, en rédigeant sa thèse, que des notions aussi "traditionnelles" que le mariage et la division de la population en deux sexes n’ont rien d’historiquement ancré dans le passé.

L’affaire Jeanne d’Arc

Un  événement servira de déclic: en 2010, une performance queer s’empare d’une statue de Jeanne d’Arc à Lille et la déguise en rose fuchsia. L’occasion pour Clovis Maillet de revenir sur les différentes tendances politiques qui se sont réclamées de la Pucelle d’Orléans. Et d’analyser, dans son livre, les questionnements qu’elle a provoqués.

Car cette jeune fille constitue une énigme à bien des niveaux: qu’est-ce qui a pu la décider à vivre cette vie de batailles et d’aventures; quelles étaient ces voix qui la guidaient; pourquoi ce charisme, qu’elle a largement exercé… et pourquoi avoir tenu jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort, à garder son aspect masculin, habits, coiffure? Et enfin, pourquoi était-ce aussi insupportable à ses contemporains? Théologie médiévale et signification des vêtements très marquées à cette époque, sont des éléments de réponse apportés par Clovis Maillet.

Passage d'un sexe à l'autre au Moyen Age

L'auteur présente aussi plusieurs cas de passage d’un sexe à l’autre, qui ont été documentés au Moyen Age. Des cas de saintes ayant passé leur vie sous les habits de moines dans des monastères.

Il y a le sexe d’origine, auquel on ne reste pas forcément attaché.e: c’est l’histoire pleine de péripéties de la sainte cistercienne Joseph-Hildegonde, fille à la naissance, entrée dans un monastère masculin…

Il y a aussi le danger omniprésent d’être une femme qui explique bon nombre de travestissements. Il y encore, très souvent, le besoin de fuir le mariage.

Le tabou principal concernant le corps féminin était la partie inférieure du corps, réputée sexualisée (pieds, jambes, sexe) et était systématiquement dissimulée, quand le haut du corps pouvait être découvert.

Clovis Maillet, "Les Genres fluides"

Vêtements, pilosité, pratique de l’abstinence, les règles médiévales très strictes constituent des éléments historiques rappelés par Clovis Maillet, et permettent de changer notre regard sur les questions de fluidité de genre. Sans oublier l’existence, durant un millénaire, des eunuques et des hermaphrodites.

Isabelle Carceles/aq

Clovis Maillet,"Les Genres fluides, de Jeanne d’Arc aux saintes trans", Editions Arkhé

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié