Léonie Bischoff a à son actif une bande dessinée et des récits graphiques très variés, de l’adaptation de polars nordiques, avec Olivier Bocquet, à l’illustration de la naissance de la Bible. C’est la découverte du Journal d’Anaïs Nin – laquelle a aussi écrit des ouvrages érotiques (des commandes alimentaires, en fait, mais qui l’ont rendue célèbre), des romans, des nouvelles – qui est à l’origine du projet.
Sexe et sensualité
On y retrouve l’écrivaine et diariste qui a traversé les remous du 20e siècle en scrutant son époque et en se disséquant elle-même avec passion. Personnage multiple, en recherche constante, on la découvre pendant sa période parisienne, celle où elle mène de front expériences littéraires et sexuelles, où elle rencontre de nombreux artistes et écrivains (Henry Miller notamment qui jouera un rôle central dans sa vie), s’intéresse à la psychanalyse, pratique la danse…
Sexe et sensualité sont au cœur de l’œuvre d’Anaïs Nin. Elle se savait "douée" dans ce domaine, comme elle l’était d’ailleurs pour d’autres: la danse, l’écriture. Mais d’une certaine façon, elle a fait une œuvre de sa sensualité.
Je veux faire de ma vie une œuvre d’art et inventer un langage pour la raconter
Des atmosphères délicates et vibrantes
Pour rendre cette dimension sensuelle, Léonie Bischoff a recours à la couleur, aux couleurs du crayon magique dont la richesse changeante et moirée reflète parfaitement les flux d’émotions et de sensations qui traversent son personnage. Les formes qui parcourent les vignettes lors des rencontres érotiques contribuent également à créer des atmosphères délicates et vibrantes.
J’ai utilisé beaucoup de métaphores visuelles, par exemple les images florales, végétales, pour représenter l’éclosion ou la montée de la sève; j’ai essayé d’être à l’intérieur du personnage, de ne pas axer les scènes sexuelles sur l’aspect visuel, mais plus sur les sensations et les émotions.
Hommage à une femme très libre pour son époque
Ce roman graphique est aussi un hommage à une femme très libre pour son époque, qui devait lutter contre les hommes - y compris ceux qu’elle aimait - pour exister, pour n’être pas seulement épouse, amante ou muse.
Léonie Bischoff nous montre les combats de l’écrivaine, tout comme ses doutes et ses angoisses. Et les mensonges, aussi. Anaïs Nin écrivait plusieurs versions en parallèle de son journal, plus ou moins authentiques, plus ou moins expurgées. On ne sait jamais tout à fait dans ses écrits ce qui relève de la réalité ou du fantasme, mais on comprend combien elle a voulu se créer elle-même, à partir de ce qu’elle se racontait, du sens qu’elle donnait à ses choix, à sa vie.
Isabelle Carceles/aq
Léonie Bischoff, Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges, Ed. Casterman.
Dans le cadre du Salon du Livre en ville à Genève, on retrouvera Léonie Bischoff le 1er novembre avec Zep et ses albums pour parler sexe et dessin
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