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Quand Charles Baudelaire promenait un mouton coloré en rose

Charles Baudelaire (1821-1867). [AFP - © Collection Roger-Viollet / Roger-Viollet]
La chronique culturelle - "Crenom, Baudelaire !", la nouvelle biographie de Charles Baudelaire / La chronique culturelle / 2 min. / le 20 novembre 2020
Prétentieux, irrespectueux et insupportable, Charles Baudelaire avait pour principe d’aller "droit au pire". Avec sa plume franche et sensuelle, l'écrivain français Jean Teulé livre dans "Crénom, Baudelaire!" un portrait attachant du grand poète.

Pas certain que l'on croise beaucoup de biographies comme celle de Jean Teulé dans le concert à venir des célébrations du bicentenaire de la naissance de Charles Baudelaire (1821-1867) en avril 2021. Très loin de l'hagiographie à laquelle la réputation de l’auteur des "Fleurs de mal" semble inviter, le livre romancé de Teulé présente un Baudelaire "constitué de muscles, de tissus, d’écoulements, de sécrétions physiologiques".

On y découvre aussi son extravagance vestimentaire, sa misogynie, son dégoût des conventions, ses provocations, du type à demander à une jeune mère: "c’est à vous cet enfant qui joue là? Grand dieux, Madame, il est horrible!". Bref, le genre de génie qu’il vaut mieux avoir dans sa bibliothèque que dans sa famille ou à sa table, surtout qu’il viderait la cave à vins en moins de deux.

Un dandy dingo

Jean Teulé n’est pas le premier à révéler la face peu glorieuse de ce dandy dingo, drogué, et syphilitique. Mais il sait se servir de toute cette matière biographique dont sont faites la vie et la personnalité de Baudelaire pour la planter dans la réalité de son temps, parmi ses contemporains. En dépeignant les artistes qu’il méprise, les femmes qu’il aime quand elles sont laides, telle Jeanne la géante noire à moitié putain, les éditeurs et imprimeurs qu’il rend fous à force de corriger ses textes.

Sous l’écriture franche et sensuelle de Jean Teulé, ce Baudelaire qui avait pour principe d’aller "droit au pire" nous apparaît plus vrai que nature. Prétentieux, irrespectueux, mais finalement attachant parce que drôlement rock, à se faire teindre les cheveux en vert et promener un mouton coloré en rose. Attachant aussi parce qu’hypersensible, sous l’effet certes des drogues et médicaments mais surtout de sa première blessure inguérissable: quand son beau-père lui a volé sa mère, dont il était fou d’amour alors qu’elle le trouvera toujours minable.

Une entrée en matière dans "Les Fleurs du mal"

Jean Teulé a baptisé sa biographie "Crénom, Baudelaire!", parce que "crénom" a été le dernier mot prononcé par le poète, jurant jusqu’au dernier souffle. Le livre est à mettre entre toutes les mains, y compris celles des élèves qui ont Baudelaire au programme. Car on peut aussi lire cet ouvrage comme une entrée en matière dans le plus grand recueil de poèmes jamais écrit, "Les Fleurs du mal". Des poèmes dont Teulé se plaît à tenter d’imaginer l’origine, au fil de ses pages et des expériences vécues par cet albatros à perruque bleue qu’était Charles Baudelaire.

Anne-Laure Gannac/mh

Jean Teulé, "Crénom, Baudelaire!", éditions Mialet Barrault.

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