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"Inflorescence", un roman du végétal signé Raluca Antonescu

Raluca Antonescu. [Atelier mood eyes]
Entretien avec Raluca Antonescu, auteure de "Inflorescence" paru aux éditions de la Baconnière / QWERTZ / 28 min. / le 5 janvier 2021
Quatre femmes à la fois reliées et indépendantes se déploient dans le troisième roman de l’autrice romande Raluca Antonescu. Chacune d’elles (re)forme un monde, comme les fleurs sur une tige dont la disposition – l’inflorescence – explique le titre du livre.

Fascinée par le lien entre les générations, Raluca Antonescu entrecroise, de 1911 à 2008, les destins d’Aloïse, petite paysanne dont la mère est morte à sa naissance, d’Amalia, obsédée par les microbes, de Catherine, activiste de la reforestation et de Vivian, citadine ébranlée par la mort de sa mère.

La beauté se contemple et se ressent. Elle possède un rayonnement qui t’atteint et te lie à elle.

Raluca Antonescu, "Inflorescence"

La nature comme fil rouge


L’autrice a puisé dans l’eau et la terre l’inspiration de ses deux premiers romans ("L’inondation", en 2014 et "Sol", en 2017). Avec "Inflorescence", elle scrute la nature domestiquée, le jardin qui illustre la volonté de maîtrise propre à l’humain mais aussi le désir de créer, soigner et embellir. Son roman confronte l’existence humaine à la longévité d’arbres millénaires. Chaque essence nommée, Coïgue, Nirre ou Cèdre, prend une majuscule, comme les prénoms de ses personnages.

La rencontre avec une demoiselle excentrique et passionnée de botanique guérira Aloïse des brimades subies dans l’enfance. La tristesse et l’indifférence à la nature de Vivian céderont face aux attentions de son beau-père, locataire d’un jardin à la périphérie de Genève. Catherine, elle, a choisi la Patagonie pour fuir les plates-bandes millimétrées de sa mère et elle plante sans relâche des arbres sur les terres brûlées pour les besoins de la culture intensive.

Il faut des personnes pour se battre, des personnes pour réparer et des personnes pour se souvenir.

Raluca Antonescu, "Inflorescence"

Mensonges et secrets

Creuser, élaguer, extirper: ces gestes de jardinier reflètent l’obstination de ceux qui luttent contre l’oubli ou la réécriture de l’histoire, qu’elle soit collective, familiale ou individuelle. Née dans la Roumanie de Ceausescu, Raluca Antonescu connaît aussi bien le mensonge d’État que le silence observé au sein de familles obnubilées par la délation.

Sur les circonstances du passage à l’Ouest de ses parents, l’autrice a dû mener son enquête et secouer les certitudes d’une "mémoire fourbe" qui assimile sans les filtrer les récits de la génération précédente. Une démarche qui lui a permis de (re)construire son identité plurielle. Les personnages d’"Inflorescence" sont eux aussi contraints, pour grandir, de faire remonter des profondeurs de leur enfance des résidus plus ou moins enfouis.

Avec ce roman du végétal, Raluca Antonescu taille dans les non-dits mais cultive le clair-obscur, sème des indices mais laisse dormir certains mystères sous leur couche de mousse. Comme la fleur convoitée par l'insecte, "Inflorescence" suppose une lente manœuvre d'approche.

Geneviève Bridel/mh

Raluca Antonescu, "Inflorescence", éditions de la Baconnière

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