C'est un chenoille, un bougillon, qui barjaque tout le temps et fait beaucoup de chenit. Le pandoure saligote tout. Ca rend sa mère badadia quand elle doit poutzer derrière lui avec la panosse, la brosse et la ramassoire. Si ça continue, ça va pas jouer.
Si vous avez compris la phrase ci-dessus, vous êtes comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir: vous parlez patois sans même vous en rendre compte. Pour s'en convaincre, il suffit de feuilleter "Le Dico romand" (paru aux éditions Favre) qui répertorie quelque 1758 termes locaux grâce aux archives du physicien genevois Henry Suter qui les a collectés.
Un Grec et un Québécois pour parler terroir
Mais c’est à un Québécois qu’on doit la parution de ce livre amusant, intelligent et élégant qui se lit à l'envers quand il s'agit d'expressions salaces. Mathieu Daudelin, venu étudier à l'ECAL (Ecole cantonale d'art de Lausanne), en avait fait son sujet de bachelor en design graphique. Le travail avait été imprimé à cinq exemplaires et conservé par Alexis Georgacopoulos, le directeur de l’ECAL, qui a souhaité cet été le dépoussiérer pour le faire partager au public.
Un Grec et un Canadien pour parler du terroir, l'affaire est savoureuse. "Je me suis familiarisé au patois avec Pierre Keller (nb. le directeur historique de l'ECAL) qui utilisait de nombreuses expressions locales" s'amuse Alexis Georgacopoulos qui a fait ses études à Athènes, en grec, mais parlait français en famille.
Un parler vrai et cool
Pour sa publication, la taille des lettres a été agrandie, et l'ouvrage complété par un quiz rappicolant ainsi que par un lexique typonymique. Un ouvrage de référence, dont le succès ne s'est pas démenti depuis sa parution en décembre.
Le patois serait-il redevenu désirable? Un parler vrai qui séduit la jeune génération? Une approche plus directe et imagée des choses et des gens? Un retour aux sources? A cette campagne redécouverte avec le Covid? "Tout est cyclique, l'art comme le reste. Ce qui était ringard hier devient cool aujourd'hui. Il se peut que le patois soit un nouveau verlan" dit Alexis Georgacopoulos.
La préface signée par l’humoriste romand Yann Marguet ne fait que confirmer cette tendance contemporaine.
Marie-Claude Martin