Du jour au lendemain, elle est devenue immortelle. En janvier dernier, Chantal Thomas a été élue à l’Académie française. "C’est un lieu qui dès l’origine est lié à une réflexion sur le langage, fait-elle remarquer, pas seulement à une préservation. En tous les cas dans mon optique".
Probablement peut-on compter sur cette romancière et dix-huitièmiste pour dépoussiérer la vénérable institution, elle qui a su nous révéler Versailles comme nous ne l’avions jamais vu. Deux de ses romans en particulier ont marqué les esprits, "Les adieux à la reine" et "L’échange des princesses", tous deux adaptés au cinéma respectivement par Benoît Jacquot et Marc Dugain.
Une oeuvre singulière
Mais Chantal Thomas est aussi l’autrice d’une œuvre autobiographique importante et singulière débutée en 1995 avec la publication chez Gallimard de "La vie réelle des petites filles". Plus récemment, avec "Souvenirs de la marée basse", elle avait évoqué le personnage de sa mère, et dans "East village blues" ses années d’étudiante à New York.
Cet hiver, "De sable et de neige" publié au Mercure de France dans la collection "Traits et portraits" nous parle de son enfance, et du personnage énigmatique et silencieux qu’était son père.
Mon père était une figure de silence. Ce livre est une manière de respecter son silence, de l’indiquer. Mais certainement pas de l’expliciter.
Chantal Thomas replonge dans une enfance passée à Arcachon, au bord de l’océan. De retour sur place, elle part à la recherche des sensations, des souvenirs. Le livre est illustré, comme c’est l’usage dans la collection "Traits et portraits". L’auteure a disposé des photos de famille et d’elle alors qu’elle était enfant.
Souvenirs d'une époque disparue
Mais elle a également choisi de faire dialoguer son texte avec des clichés signés du photographe Allen S. Weiss, qui avait également collaboré à son livre sur New York. Les unes apportent l’émotion d’une époque disparue, les autres un regard poétique qui souligne les mystères de ce paysage d’eau et de sable.
J’aime penser à Mme du Deffand. Elle est pour moi, dans sa sécheresse, son humour, ses engouements, l’incarnation même du XVIIIe siècle, mon siècle d’élection, ennemi du pathos et de la morbidité, branché, quoi qu’il en coûte, sur une musique de Vivaldi ou de Mozart.
Les paysages éblouissants du Cap Ferret et de la dune du Pilat sont étranges, à la fois grandioses et minimalistes, tout de sable et d’eau. Chantal Thomas ne se contente pas d’égrener des anecdotes personnelles, elle construit un travail autobiographique singulier, fait de sensations, qui ne donne pas dans le déballage. Ici, elle analyse l’influence qu’a pu avoir sur sa personnalité le contact constant, très tôt, avec la nature. Elle nous livre ainsi sa part de liberté qui, dit-elle, l’a conduite à se passionner pour le XVIIIe siècle.
Sylvie Tanette/mh
Chantal Thomas, "De sable et de neige", éditions Mercure de France.
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