Publié

Pascal Vandenberghe, une dette envers le livre

Pascal Vandenberghe est l'actuel patron des librairies Payot. [Elena Budnikova]
Entretien avec Pascal Vandenberghe, auteur de "Le Funambule du livre" suivi de "La librairie est un sport de combat" / QWERTZ / 48 min. / le 2 mars 2021
Patron des librairies Payot, Pascal Vandenberghe publie deux textes dans un même ouvrage: "Le Funambule du livre", entretien autobiographique avec Christophe Gallaz, et "La librairie est un sport de combat", bref essai autour du livre et de son avenir. Riche et personnel.

"Il y a deux ans Michel Moret, directeur des éditions de l’Aire, m’a gentiment dit que j’avais atteint l’âge où on commence à raconter sa vie, et venant d’un homme de 77 ans je ne pouvais pas le prendre mal", dit d’emblée, sourire en coin, Pascal Vandenberghe.

Répondant à l’invitation de l’éditeur veveysan, cet autodidacte qui s’est construit par la fréquentation des livres a préféré évoquer son parcours de vie sous la forme d’un entretien retranscrit. "Pour atténuer la possible prétention d’un récit à la première personne", affirme-t-il dans un avant-propos précautionneux.

Ce choix atteste une grande pudeur de la part de Pascal Vandenberghe. Si celui-ci a souvent évoqué sur la place publique sa pratique de professionnel du livre, il reste plus réservé quant à son roman familial. Dans "Cannibale lecteur", un précédent ouvrage paru en 2019 réunissant une soixantaine de chroniques bibliophiliques, il distillait avec parcimonie quelques éléments personnels par le filtre des livres aimés. Mais dans "Le Funambule du livre", il se prête sans détour à un bel exercice de sincérité autobiographique.

J’ignorais tout du sens des mots 'culturel' et 'intellectuel'. On ne lisait pas dans ma famille qui vivait plutôt recluse.

Pascal Vandenberghe, "Le Funambule du livre"

Une scolarité chaotique

Ce fils d’ouvrier originaire du nord de la France n’était pas destiné à construire sa vie autour des livres. Après une scolarité chaotique, c’est à l’adolescence que Pascal Vandenberghe s’est immergé dans la lecture, de façon boulimique. Classiques, contemporains, littérature étrangère, philosophie, sociologie, Histoire, sciences politiques… sa soif de lecture n’a jamais été étanchée.

Dans "Le Funambule du livre" apparaît peu à peu l’image d’un jeune homme conscient de son inadéquation, se moquant tant des injonctions sociales que des interdits et résolu à s’auto-éduquer par le texte. Au point que la lecture a pris chez lui une dimension utilitaire, peu propice au divertissement. Un jour, il se présente à un entretien d’embauche sur les conseils d’un ami, sans trop y croire.

Je me suis présenté avec mon CV tout pourri, je n’avais pas le bac, je n’avais pas fait d’études, juste un CAP d’ajusteur, je n’avais pas suivi de formation de libraire et j’étais passé de petit boulot en petit boulot.

Pascal Vandenberghe, "Le Funambule du livre"

Carrière ascensionnelle

Sans bien comprendre ni comment ni pourquoi, le jeune homme révolté de 24 ans se retrouve vendeur-libraire à la Fnac de Metz grâce à l’intuition de la responsable du secteur livres. Première étape d’une carrière ascensionnelle qui l’a amené à endosser des postes à responsabilités dans différentes succursales de l’enseigne réparties dans l’Hexagone. Avec, toujours en sous-texte, le franc-parler de l’autodidacte grande gueule qui dérange dans une société française corsetée par l’esprit de castes.

Dans ce parcours autobiographique, Pascal Vandenberghe évoque aussi ses années parisiennes, lorsqu’il a collaboré aux éditions La Découverte riches en sciences humaines. Puis une dizaine d’années plus tard, le besoin de s’exiler s’est imposé, conséquence d’un profond désamour avec la France et son système monarchique peu favorable aux autodidactes. C’aurait pu être Montréal, ce fut la Suisse romande, avec la prise en main des librairies Payot. Une histoire qu’on connaît mieux, sur laquelle l’intéressé s’est souvent exprimé dans la presse.

Plus technique est le bref essai que Pascal Vandenberghe a souhaité placer à la suite de son parcours autobiographique, "La librairie est un sport de combat". L’auteur y livre un bilan personnel de son expérience de professionnel de la chaîne du livre, en insistant sur la complémentarité entre livres papier et livres électroniques.

Deux textes, deux genres littéraires qu’une même idée traverse: servir le livre pour s’acquitter d’une dette envers ce formidable outil d’émancipation.

Jean-Marie Félix/mh

Pascal Vandenbergue, "Le Funambule du livre" suivi de "La librairie est un sport de combat", Ed. de l’Aire.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié