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Magali Le Huche: "Les Beatles m'ont sauvée de ma phobie scolaire"

Magali Le Huche. [Rita Scaglia]
L'invitée : Magali Le Huche, "Nowhere girl" / Vertigo / 25 min. / le 9 mars 2021
Au début des années 1990, alors âgée de 11 ans, l'illustratrice française Magali Le Huche fait face à des angoisses intenses. Diagnostic: phobie scolaire. Une période difficile dont elle sortira grâce aux Beatles et qu'elle raconte dans son roman graphique "Nowhere Girl".

Née en 1979, Magali Le Huche est auteure et illustratrice de nombreux livres jeunesse. Elle a créé notamment le personnage de Non-non l'ornithorynque ou de l'hilarant caribou Jean-Michel, super-héros de la forêt. Mais c'est plutôt aux adultes que se destine son nouvel album, "Nowhere Girl", qui revient sur une période douloureuse de sa propre enfance, son entrée au collège à l'âge de 11 ans.

Confiante et impatiente de cette rentrée qui la voit changer de statut, entourée de l'affection bienveillante de ses parents et de sa soeur aînée, la jeune Magali est rapidement débordée par un sentiment d'angoisse et de vide. "Une petite mort", raconte-t-elle aujourd'hui. "On arrive dans un établissement où on nous vouvoie, où l'on est les plus petits. Tout change, le rapport des adultes avec les élèves, le corps."

Entre enfance et préadolescence

La jeune fille vit douloureusement cette transition entre le moment où l'on quitte l'enfance, mais où l'on n'est pas encore un préado. "On est nulle part, d'où le titre de l'album, 'Nowhere Girl'". Chaque matin, elle quitte sa chambre avec le sentiment de laisser des fragments d'enfance derrière elle. Dans son album, elle se dessine avec un sac à dos qui grossit et pèse tous les jours davantage.

Au malaise psychique s'enchaînent les maux physiques. Alarmés, les parents de Magali, qu'elle représente dans son album sous les traits de super-héros toujours prêts à voler au secours de leur fille, l'emmènent consulter des médecins. On diagnostique une phobie scolaire, phénomène dont on parle très peu à l'époque.

Pour Magali Le Huche, c'est le soulagement: "c'était très rassurant de mettre un mot sur mon mal-être. On me prenait au sérieux avec ce mot, 'phobie'. Cela me donnait une légitimité". La jeune fille est dès lors scolarisée à la maison.

Les Beatles, une passion salvatrice

Un beau jour, elle découvre les Beatles grâce à la chanson déjantée "Good Morning Good Morning". "J'ai tout de suite été attirée, comme si je tombais dans un puit. Ce coup de foudre musical m'a servi de refuge. J'ai senti que je pouvais me réfugier dans cette musique, qu'il y avait là la possibilité d'un monde parallèle possible." Cette passion débordante tourne à l'obsession. A 12 ans, Magali Le Huche connaît tout de la vie des membres du groupe.

Cet engouement salvateur ouvre pour la jeune fille les portes d'un univers insoupçonné. "Cela m'a sauvée, car j'ai été impressionnée par la créativité des Beatles et par ce qu'ils étaient capables de faire. J'ai été rassurée par ce côté créatif, cette dimension artistique possible, qui me donnait envie de créer mon monde parallèle." Elle dessine encore et encore, avant d'opter plus tard pour une carrière dans les arts graphiques.

Ce retour dans le passé pour les besoins de l'album n'a pas été démarche aisée. Mais il a été salutaire pour l'illustratrice française, en paix avec elle-même. "Oui, cette période est importante pour ce que je suis devenue aujourd'hui. Elle a déterminé ma vie de bédéiste."

Propos recueillis par Anne-Laure Gannac

Adaptation web: Melissa Härtel

Magali Le Huche, "Nowhere Girl", éditions Dargaud.

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