"Compte tenu des circonstances exceptionnelles, nous vous demandons de surseoir à l'envoi des manuscrits. Prenez soin de vous toujours et bonnes lectures", écrit Gallimard, l'un des plus célèbres éditeurs de la place de Paris, sur son site internet. Ce conseil, apparu début avril, a ensuite été relayé sur Twitter. Pas sûr qu'il soit suivi unanimement, mais pour accroître ses chances, mieux vaut s'y plier. Et patienter.
Le contexte est assez défavorable aux inconnus qui se rêvent en Michel Houellebecq ou en Amélie Nothomb. La fermeture des librairies à deux reprises en 2020, au printemps et à l'automne, a entraîné des reports de parution, provoquant un embouteillage en 2021. Si se faire publier est toujours difficile pour un débutant, c'est devenu encore plus compliqué.
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Gallimard n'est pourtant pas avare en premiers romans dans sa fameuse Collection blanche: cinq à la rentrée de janvier, deux en mars, deux en avril. Interrogé sur les raisons de ce message au grand public, l'éditeur a évoqué l'immensité des volumes envoyés.
Nous tenons à accorder la même attention à tous les manuscrits que nous recevons et nous répondons à tous les envois
Les quelque 30 manuscrits par jour ouvré reçus à son siège rue Gaston-Gallimard sont devenus 50, depuis près d'un an. "Nous tenons à accorder la même attention à tous les manuscrits que nous recevons et nous répondons à tous les envois. C'est un travail considérable qui demande de la minutie et de la disponibilité d'esprit. C'est pour toutes ces raisons que nous avons demandé de suspendre, tout à fait momentanément, l'envoi des manuscrits", a expliqué Gabrielle Lécrivain, éditrice.
Tendance similaire au Seuil
Certains concurrents avaient donné le même conseil lors du premier confinement en France, au printemps 2020. "Nous et d'autres éditeurs, nous avions mis un message sur le site internet pour demander d'attendre avant d'envoyer un manuscrit. Je m'attendais à un tsunami quand on l'a enlevé pour le déconfinement. Il n'a pas eu lieu, mais il y a un certain rattrapage actuellement", dit Laure Belloeuvre, du service des manuscrits du Seuil.
Entre janvier et mars, 1200 manuscrits sont parvenus chez ce grand éditeur parisien, alors qu'il en reçoit environ 3500 par an, concentrés en début et en fin d'année.
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"C'est beaucoup. Maintenant que tout le monde sait se servir d'un ordinateur pour écrire, nous voyons des gens qui écrivent et dont nous sentons qu'ils ne lisent pas. Ce n'est plus comme au temps où il fallait prendre sa Remington pour taper son manuscrit, ce que faisaient des passionnés de littérature", raconte l'éditrice.
Plus de 1000 textes chez Grasset
"Nous, on ne coupe pas le robinet, indique Juliette Joste, éditrice chez Grasset, autre institution littéraire en France. On a des programmes ultrachargés, et on ne peut quasiment rien prendre qui vient de la Poste: un ou deux titres par an. Mais j'ai vu ce message de Gallimard avec étonnement".
Grasset, qui avait approché un record de 5000 manuscrits reçus en 2018, en avait reçu plus de 1000 à la mi-mars.
afp/vajo
Etonnement en Suisse
En Suisse, on s'étonne de la démarche de Gallimard, notamment du côté des éditions Zoé. Contactée par la RTS, la directrice Caroline Couteau constate aussi une augmentation des manuscrits. "Nos piles sont hautes et le délai de lecture est plus important, dit-elle, mais pas question d’abandonner, nous cherchons toujours la perle".
Même son de cloche aux Editions d'en bas: davantage de manuscrits, mais pas de demande de report pour autant.
Les éditeurs contactés soulignent l'intérêt des Suisses pour la lecture. Pour le patron de Payot Pascal Vandenberghe, le semi-confinement a ramené au livre certaines personnes qui l'avaient délaissé. En outre, par les temps qui courent, le livre est l'un des seuls accès à la culture.