L'intrigante danseuse étoile cubaine Alicia Alonso racontée dans une BD
Eileen Hofer et Mayalen Goust dressent le portrait de l'intrigante danseuse étoile Alicia Alonso (1920-2019), danseuse et chorégraphe cubaine qui malgré sa cécité grandissante est devenue "prima ballerina assoluta" et a dirigé le Ballet national de Cuba qu'elle a fondé en 1948. Leur bande dessinée est aussi une plongée dans le Cuba post-révolution où la dictature a fait du ballet national son meilleur instrument de propagande.
Dans les rues de La Havane, entre 1959 et 2011, les vies se croisent et se recroisent. Aujourd'hui celle d'Amanda, jeune ballerine en devenir. Hier, celle de Manuela, mère célibataire, qui n'aura fait qu'effleurer son rêve de danseuse classique et enfin celle d'Alicia Alonso, dont on suit l'ascension vers la gloire jusqu'à devenir prima ballerina assoluta au parcours exceptionnel.
Dans un Cuba où règnent la débrouille et l'entraide, tout autant que la dénonciation et le marché noir, l'histoire de la démocratisation de la danse classique rime singulièrement avec l'avènement du régime révolutionnaire. Pour Amanda, la compétition est rude pour être parmi les meilleures tandis que pour Alicia, les choix ne sont plus seulement artistiques mais politiques, lorsqu'on voudra faire d'elle un instrument de l'idéologie castriste.
Un récit double
Après un documentaire en 2015, "Horizontes", déjà consacré à Alicia Alonso, l'auteure romande Eileen Hofer s'est associée avec l'illustratrice française Mayalen Goust pour décliner son sujet en BD et y insuffler de nouveaux éléments. "Je voulais notamment montrer un pays qui tient vaguement sur ses pieds, qui est en ruine architecturalement, où les connexions téléphoniques s'interrompent sans arrêt, où l'on danse dans des salles par 40 degrés sans ventilateurs et où l'on s'évanouit", explique à la RTS Eileen Hofer.
"Alicia: prima ballerina assoluta" se veut un hommage aux arts de la danse dans un récit double mêlant fiction et réalité. A travers le destin singulier de la danseuse étoile, c'est un pan de l'histoire ambivalente de Cuba qui est ainsi racontée en filigrane. Deux personnages dont les trajectoires s'entremêlent et se répondent au fil des époques.
Alicia Alonso, qui restera à jamais l'interprète de Giselle et a suscité quantité de vocations dans son pays, a aussi dû jouer le rôle plus controversé d'ambassadrice du pouvoir castriste. Après le triomphe de la révolution en 1959 de Fidel Castro, elle fonde sa propre compagnie, qui devient le Ballet national de Cuba et créé le style dit "école cubaine" reconnaissable entre tous.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Texte et adaptation web: olhor
Eileen Hofer et Mayalen Goust, "Alicia: prima ballerina assoluta", éditions Rue de Sèvres.