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Guillaume Meurice se met dans la tête de Triboulet, star des bouffons

L'humoriste français Guillaume Meurice à Paris le 5 avril 2017. [AFP - Lionel BONAVENTURE]
Guillaume Meurice, "Le roi nʹavait pas ri" / Vertigo / 55 min. / le 10 mai 2021
Triboulet fut le bouffon de Louis XII et François Ier. A chaque instant, il testa les limites de sa liberté jusqu'à la blague de trop. Avec son deuxième roman, "Le roi n'avait pas ri", l'humoriste de France Inter Guillaume Meurice évoque les relations entre le rire et le pouvoir.

Triboulet, né Nicolas Ferrial en 1479, était difforme, bossu et nain mais avait le sens de la répartie, du jeu de mot et de l'à-propos. Ce qui lui valu de devenir le bouffon de Louis XII puis de François Ier, adoré par certains, détesté par d'autres, notamment des courtisans.

On sait peu de choses sur cet homme brillant et disgracieux évoqué par Rabelais dans "Le Tiers Livre" et personnage principal de la pièce de Victor Hugo, "Le Roi s'amuse". On en saura plus après avoir lu "Le Roi n'avait pas ri", deuxième roman de Guillaume Meurice, comédien et humoriste bien connu des auditeurs de France Inter où il oeuvre dans l'émission "Par Jupiter".

Au Moyen Âge, le bouffon était l'équivalent du fou, du déficient mental, il était pris avec la ménagerie pour divertir le roi. A la Renaissance, il n'est plus fou mais s'amuse à être fou. Il a plutôt une fonction de conseiller.

Guillaume Meurice, auteur de "Le roi n'avait pas ri"

Se faire plaisir

Guillaume Meurice connaissait l'existence de Triboulet parce qu'il a joué la pièce d'Hugo. "Mais il existe très peu d'informations sur l'homme. Clément Marot, l'historiographe officiel de Louis XII, sorte de BHL de la Renaissance, en fait une description peu flatteuse dans un de ses vers. On trouve aussi quelques traces de Triboulet dans les livres de dépenses de la Cour. J'avais donc beaucoup de latitude pour me faire plaisir. J'ai surtout adoré lui imaginer des répliques", explique Guillaume Meurice.

Triboulet dans "Le Roi s'amuse". Gravure de Riou dans "Le Monde Illustré" n°1339 du 25 novembre 1882. [AFP - Leemage]
Triboulet dans "Le Roi s'amuse". Gravure de Riou dans "Le Monde Illustré" n°1339 du 25 novembre 1882. [AFP - Leemage]

Mais ne croyez pas que ce livre n'est que pure fantaisie. Guillaume Meurice a beaucoup lu sur cette période très violente avec sa pratique des tortures, notamment le supplice de la roue décrit dans le livre. Il a aussi consulté historiens et universitaires pour rendre son récit crédible, notamment s'agissant de la vie quotidienne. Il a aussi découvert, mais il s'en était toujours douté, que François Ier, mis sur le trône par défaut, n'était pas ce prince des arts et de l'élégance comme le voudrait sa légende dorée mais une sorte d'ogre qui pensait surtout "à chasser, bouffer et baiser".

Les rapports entre humour et pouvoir

Avec son héros qui teste à chaque instant les limites de sa liberté, le livre questionne le rapport entre pouvoir et humour. Le pouvoir tolère-t-il vraiment le rire? Lorsqu’elle est permise par un roi, que vaut l'irrévérence? Devient-elle révérence à son tour? Et que veut dire liberté dans un tel contexte? Guillaume Meurice tire aussi des parallèles entre la Renaissance et notre époque.

Ce qui n'a quasiment pas changé, ce sont les structures du pouvoir. Aujourd'hui aussi, nous avons un roi, certes élu, et un parlement qui ne sert pas à grand chose.

Guillaume Meurice, humoriste, chroniqueur et écrivain

Clairement, l'auteur s'identifie, sinon au personnage, du moins à sa fonction en écrivant l'histoire de Triboulet à la première personne du singulier, comme s'il était dans sa tête. Pour autant, Guillaume Meurice, qui ne possède pas une once d'esprit de sérieux, n'est pas de ceux qui se plaignent d'une époque impossible, où on ne pourrait plus rien dire. "L'humour sert à mettre à distance le réel, comme le réel évolue, l'humour aussi".

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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