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La poésie charnelle de la Genevoise Isabelle Sbrissa

L'écrivaine Isabelle Sbrissa. [DR]
Entretien avec Isabelle Sbrissa pour son recueil "Tout tient tout" / QWERTZ / 20 min. / le 27 mai 2021
La Genevoise Isabelle Sbrissa publie aux éditions Héros-Limite un recueil de poèmes intitulé "Tout tient tout". Elle y fait éclater les mots et joue avec la grammaire pour mieux saisir le tremblement de la vie et des corps.

On la connaissait par ses pièces de théâtre publiées dans la collection "Enjeux", chez Bernard Campiche Editeur. Isabelle Sbrissa s’est consacrée depuis une dizaine d’années à la poésie, faisant paraître trois recueils entre Genève et Caen, en France: "poèmes poèmes" (Disdill, 2013), "Produits dérivés, reverdies combinatoires" (Le Miel de l’ours, 2016) et "Ici là voir ailleurs" (Nous, 2018).

"Tout tient tout", sa nouvelle publication éditée chez Héros-Limite, interpelle par une mise en page radicale. Le lecteur y découvre deux types de poèmes qui bousculent ses habitudes. Les premiers textes sont des coulées de mots sans ponctuation ni césure; les seconds forment des colonnes fragiles de mots éclatés. Ils invitent à une expérience de lecture troublante et charnelle: le sens n’est plus figé mais semble mouvant sur la page. Il balbutie. Et dans ce balbutiement, c’est notre rapport au monde, transitoire et toujours en devenir, qui se révèle.

L’écriture, pour moi, c’est l’accueil des choses qui sont là, qui surgissent. Accueillir ce qui vient au moment où je suis en train de bricoler, les mains dans la langue.

Isabelle Sbrissa

Hors-piste poétique

Comment capturer le réel par les mots, sans le figer, l’amoindrir et le trahir? Par sa manière d’écrire intuitive, qui passe davantage par le corps que par la réflexion, l’autrice réussit à saisir le flux des impressions qui nous traversent.

Une poésie "intello", dites-vous? Si elle est joueuse et exigeante, elle n’est pas gratuite pour autant. Elle traduit un engagement total et sans concession dans la recherche d’une forme qui redonne de l’oxygène à la langue. C’est une quête de liberté, une sorte de hors-piste poétique, hors des balises grammaticales. Amusant, lorsque l’on sait que l’autrice est par ailleurs correctrice pour des maisons d’éditions. Elle connaît la rectitude du "bien écrire", mais s’en émancipe joyeusement.

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Extrait de "Tout tient tout" d'Isabelle Sbrissa

"Tout tient tout" est né d’un déménagement, entre Genève et le village d’Undervelier, dans le Jura. Pour cette citadine, la découverte du paysage jurassien a d’abord été vécue comme un déracinement. Par touches, Isabelle Sbrissa évoque dans ces nouveaux textes son jardin potager, un troupeau dans le pré voisin, la chute de la neige ou le mont Dedos. Le souffle de la nature environnante, envoûtante, entre par effraction dans les poèmes.

Diffuser et partager la poésie

Invitée aux dernières Journées littéraires de Soleure, Isabelle Sbrissa a développé depuis quelques années un art de "performer" ses textes en public.

Titulaire d’un master d’art contemporain, en section Écriture, de la Haute École des Arts de Berne (HKB), elle a développé de nombreuses initiatives pour diffuser et faire partager la poésie. En 2013, elle a fondé les éditions Disdill qui réalisent des ouvrages à la main, offerts lors de lectures publiques. En 2014, elle a inventé avec Nathalie Garbely LE KHADIE, une bibliothèque itinérante pour lire de la poésie contemporaine chez soi et à plusieurs.

Julien Burri/aq

Isabelle Sbrissa, "Tout tient tout", Ed. Héros-Limite.

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