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"Maritimes" de Sylvie Tanette, un roman intemporel et solaire

Sylvie Tanette [grasset.fr - Philippe Matsas]
Entretien avec Sylvie Tanette, autrice de "Maritimes" / QWERTZ / 29 min. / le 3 juin 2021
Situé sur une île grande comme "une miette dans la mer", le troisième roman de l'autrice et critique littéraire Sylvie Tanette invoque les vertus méditerranéennes. Sans trace d'angélisme.

C'est l'histoire de Benjamin qui s'est réfugié sur l'île. Sa maison est en ruines, il n'est plus là. Pas besoin d'en savoir plus: les habitants ont accueilli le nouvel arrivant, sans lui poser de questions, conscients que rien jamais ne changera "quoi que ce soit aux habitudes des voyageurs de la mer".

Méditerranée plurielle

Le narrateur du roman n'a ni âge ("au moins trois mille ans") ni prénom. Il s'affaire, au début du livre, à dépoussiérer le petit autel de Sainte Michaëla (qui n'est pas reconnue par l'Église, mais les îliens s'en moquent) proche du promontoire appelé Le Voile de la mariée. Il dit plus souvent "nous" que "je" parce que l’individualisme n'a pas cours dans cet espace minuscule où s'entraident pêcheurs, cultivateurs et artisans.

Partir plutôt que répéter les mêmes gestes chaque jour de l'année. En vérité je n'ai pas pu.

Extrait de "Maritimes" de Sylvie Tanette

Avec ses créatures marines, ses oliveraies, les mouettes, le vent et le soleil écrasant qui fait ressembler le chien affalé à "un tas d'algues brunes qui aurait été abandonné là", le lieu fictif décrit par Sylvie Tanette est un condensé de toutes les îles méditerranéennes, de leur passé et de leurs mythes.

Aujourd'hui comme hier

Malgré quelques références à notre époque – la dictature des militaires, les promoteurs immobiliers, les touristes débarquant en masse – l'ombre des civilisations anciennes survole le livre; une déesse vit parmi les villageois, "une Néréide", comme dit l'instituteur. Cette beauté radieuse, c'est Michaëla (comme la sainte) dont la mère a disparu, sans doute pour rejoindre son peuple au fond de la mer.

Il y a des moments où la mer donne l'impression de vouloir communiquer avec nous, et d'autres fois où elle semble comprendre exactement ce que nous attendons d'elle.

Extrait de "Maritimes" de Sylvie Tanette

Dans "Maritimes" comme dans "Un jardin en Australie", le précédent roman de Sylvie Tanette, par ailleurs collaboratrice littéraire occasionnelle de la RTS, la présence des morts adoucit le quotidien des vivants. Elle leur insuffle aussi l'esprit de résistance exprimé en ces termes par le narrateur: "celui qui ne sait pas sauver son prochain se perd lui-même".

Geneviève Bridel/ld

Sylvie Tanette, "Maritimes", aux éditions Grasset.

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