La nouvelle génération de la BD suisse se dessine dans "Tête-à-tête"

Léonore Porchet, coordinatrice nationale de la SCAA ou Swiss Comic Artist Association, était au festival Delémont’BD pour le vernissage de la publication "Tête-à-tête", un recueil de trente portraits croisés d'artistes suisses de bande dessinée: "l’objectif est de faire connaître la relève de la BD suisse à travers les frontières linguistiques, et le résultat est formidable".

Chaque planche est comparable à un miroir, où un auteur ou une autrice dessine l’autre. Cela peut perturber le lecteur, car les styles graphiques sont inversés: il faut regarder sur la page d’en face pour se rendre compte du style de la personne dont on parle.

Les duos d’artistes, venant de toute la Suisse, ne se sont jamais rencontrés avant de se dessiner. "Nous étions vraiment dans cet objectif de les obliger à se parler, à se poser des questions. Nous avons choisi exprès des artistes qui ne se connaissaient pas avant et qui si possible ne parlaient pas la même langue, avec cette contrainte de faire le portrait de l’autre", explique à la RTS Léonore Porchet.

Un art suisse peu soutenu

La Suisse, bien qu'étant le pays inventeur de la bande dessinée avec Rodolphe Töpffer au 19e siècle, a tendance à oublier ses bédéistes, selon Léonore Porchet: "la bande dessinée est le seul art que la Suisse ait inventé. Il faut encore le rappeler dans notre pays, parce que c’est un art qui est très peu soutenu au niveau national et cantonal. L’objectif de cette publication est de montrer qu'il y a en Suisse un vivier extraordinaire d’artistes très imaginatifs qui collaborent entre eux. C’est un défi difficile. Cela nous permet de présenter la relève de la bande dessinée, cette diversité, mais aussi de sensibiliser le public au statut difficile d’auteurs ou d’autrices de bande dessinée en Suisse."

Nous voulions présenter toute cette richesse d’artistes qui sont dans l’ombre des grands noms comme Zep ou Cosey.

L’un des buts de la SCAA, association à l’origine de la publication, est de remédier à ce problème en défendant les artistes de bande dessinée en Suisse. "C’est une association qui existe depuis plus de dix ans, qui s’est beaucoup engagée, notamment à Genève. La SCAA est aussi à la base de la création de l’ESBDI, l’Ecole Supérieure de Bande Dessinée et d’Illustration, qui est la seule école de bande dessinée publique de Suisse. Depuis trois ans, nous avons un nouveau comité et c’est une nouvelle page de l’histoire qui commence, avec cette volonté d’aller défendre la bande dessinée devant les institutions culturelles et politiques suisses."

Le mot d’ordre de l’album est donc la diversité, pour aller au-delà des grands noms de la BD helvétique comme Zep ou Cosey. "Il y a par exemple des artistes très pastel, d’autres qui font beaucoup dans le fanzine, et d’autres encore qui ne font que du noir et blanc. Nous voulons montrer que le milieu de la bande dessinée en Suisse a plus à offrir que les quelques artistes qui ont obtenu un succès commercial", explique Léonore Porchet.

Propos recueillis par Didier Charlet

Adaptation web: Myriam Semaani

_{"Tête-à-tête", une publication de la Swiss Comics Artists Association.}