Le narrateur, un libraire de 60 ans au bord de la faillite financière et morale, est le témoin d’un grand soulèvement (largement inspiré par le mouvement des Gilets jaunes). Il traverse la France et ses souvenirs, par étapes et flash-backs.
Texte hybride mélangeant politique, variété française, grande et petite histoire, et qui nous plonge dans un torrent de souvenirs, de regrets, d’accablement face à une situation générale désespérante et désespérée, "Septembre éternel" est un modèle de déclinisme, dans la plus pure lignée de Michel Houellebecq.
Son auteur, le Romand Julien Sansonnens, la petite quarantaine, s’est consacré à la politique jusqu’en 2012 (au sein du POP), et fréquente également la littérature: cofondateur de la revue littéraire "La cinquième saison", auteur de podcasts littéraires, il a quatre ouvrages à son actif avant ce cinquième roman.
Le monde dans lequel je suis né n’existe plus: est-ce cela qu'on appelle vieillir? Je demeure comme retenu dans un mois de septembre éternel, dans ce peu que constitue désormais le présent, matériellement confortable et sans beaucoup d’intérêt.
Le mort de trop
Le récit commence par une chute minuscule, celle d’un "domino" qui va entraîner des conséquences inattendues, inespérées: ce "domino", ce grain de sable, c’est le mort de trop, le négligé, l'invisible, l'oublié qu’on ne pourra plus oublier. Un vieil homme, retraité, se suicide en plein jour sur un banc, dans une petite ville de province française proche de la Suisse, Pontarlier. Réduit à la misère, cet homme choisit de dire son désespoir à la face des autres. Et soudain, les autres se réveillent de leur impuissance. Un grand mouvement prend forme, prend vie. Une deuxième mort, lors d’une manifestation pacifique, une "bavure" policière, et voilà que tout s’enflamme.
Abrutissement télévisuel
Le narrateur de "Septembre éternel", paralysé à la fois par un sentiment d’impuissance et de dégoût, partage avec nous son analyse des causes de cet effondrement suivi de cette explosion sociale. On le suit, à travers tout le roman, à la recherche des signes du délabrement: entre autres, l’abrutissement télévisuel, la hantise du chômage et le désapprentissage de l’Histoire par l’Éducation nationale, l’américanisation, le communautarisme, l’émiettement de la cohésion sociale, sans oublier le féminisme…
Je crois qu’aujourd’hui, pour qui s’intéresse à l’air du temps, le féminisme, tout comme le réchauffement climatique, fait partie de l’idéologie dominante.
Le narrateur n’a pas de mots assez durs pour qualifier ce "féminisme d’un type nouveau" qui cacherait mal une haine des hommes et "qui s’exprimait à travers des concepts nouveaux, des mots abscons et toujours en anglais, issus de quelques laboratoires de sociologie californiens, on parlait de machisme, de privilège masculin, de culture du viol, de manspreading, de mansplaining."
Julien Sansonnens se réclame ouvertement d’un discours "non-politiquement correct", tout en jonglant avec des clichés et des provocations qui ont fait la fortune et la réputation, avant lui, de Michel Sardou et de Michel Houellebecq – entre autres.
Isabelle Carceles/mh
"Septembre éternel", de Julien Sansonnens, éditions de l’Aire.
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