"Sauter des gratte-ciel", le roman qui fustige la culture de la performance

Dans le monde futuriste proche de "Sauter des gratte-ciel", tout le monde est observé, mesuré, calculé, surveillé, analysé et bien sûr noté en fonction des performances atteintes.

Celles et ceux qui obtiennent le plus de "points de crédit" obtiennent le droit de vivre dans les luxueux appartements du centre-ville. Les autres sont relégués dans la périphérie.

Sauter pour mieux briller

Et parmi l’élite, il y a les stars de "High Rise Diving", un sport extrême qui mélange le base jump, le wingsuit et le plongeon.

Les adeptes de cette "plongée en hauteur" sautent depuis des gratte-ciel, devant une foule électrique et galvanisée, avant de se rattraper au dernier moment. Sauf lorsque le saut est raté et que les corps s’écrasent dans un océan de sang. Ces jeunes gens sont des stars et ont des millions de fans et de nombreux privilèges.

Arrive cependant un jour où Riva refuse de sauter et personne ne sait pourquoi. Elle ne veut plus s’élancer dans le vide. Elle veut débrancher son "activity tracker", cet appareil connecté qui mesure en permanence rythme cardiaque, activité physique et périodes de sommeil au sein de la population. Elle reste prostrée devant les immenses fenêtres de son appartement de luxe, dans sa tour au pied de laquelle s’étend la ville.

Panique au sein de la fédération de "High Rise Diving". Scandale chez les sponsors. Inquiétude hystérique chez les fans. On confie donc à la psychologue Hitomi la mission de guérir la star. Elle va utiliser les caméras cachées dans l’appartement de Riva pour y parvenir. Et tandis que l’une s’élève, l’autre s’écroule.

Une critique de la culture de la performance

Ce roman de l'autrice allemande Julia Von Lucadou, qui vit actuellement à Cologne après avoir passé quelques années à Lausanne et à Bienne, est un mélange de "1984" (George Orwell), "Marche ou crève" (Stephen King) et de "Bienvenue à Gattaca" (Andrew Niccol). Avec une touche de "Les furtifs" d'Alain Damasio, pour l’écriture contemporaine.

A travers ce roman dystopique, l'autrice pose un regard sévère sur une société numérisée à outrance qui pourrait être la nôtre dans un futur proche, montrant l'impact de la digitalisation, des médias sociaux, de la culture de la performance et de la surveillance.

Interrogée par la SRF au moment de la sortie de la version originale de son roman - "Die Hochhausspringerin" - en 2018, elle expliquait: "je crois que si l'on ne fait que de se comparer en permanence, qu'on cherche toujours à vouloir s’améliorer, on ne vit plus vraiment. Cela ne peut pas nous rendre heureux, car il y aura toujours quelqu'un d'encore meilleur que soi et dont on ne pourra pas atteindre 'les points de crédit'."

Un deuxième roman en cours d'écriture

Pour ce premier roman, Julia Von Lucadou a reçu en 2019 le Prix suisse de littérature. Sa traduction française signée Stéphanie Lux est parue ce printemps chez Actes Sud.

L'autrice travaille actuellement sur un nouveau roman qui devrait sortir en allemand au printemps prochain et qui racontera l'histoire d'une jeune fille prise dans le réseau des idéologies conspirationnistes. "Malgré son contenu quelque peu sombre, ce roman sera moins dystopique que le premier et plein d'humour", précise Julia Von Lucadou contactée par la RTS.

Sujet radio: Antoine Droux

Adaptation web: aq

"Sauter des gratte-ciel", de Julia Von Lucadou, Actes Sud.

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