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"Apaiser nos tempêtes" de Jean Hegland, le tourbillon de la maternité

L'auteure californienne Jean Hegland. [Fondation Jan Michalski - Wiktoria Bosc]
Entretien avec Jean Hegland, autrice de "Apaiser nos tempêtes" / QWERTZ / 22 min. / le 23 septembre 2021
Enfin traduit en français, "Apaiser nos tempêtes" est le deuxième roman de Jean Hegland. Autrice du roman à succès "Dans la forêt", l’Américaine y met en scène deux femmes de milieux différents confrontées très jeunes à la question de la maternité.

Comment revient-on d’un roman culte? En 2018, quand paraît en français "Dans la forêt", Jean Hegland acquiert le statut d’icône. Dans ce récit palpitant d’une sororité brandie face à l’adversité d’un monde hostile, beaucoup ont lu le bréviaire des temps à venir: effondrement écologique, zone à défendre et féminisme post-#MeToo s’y trament avec la puissance d’une fiction prophétique.

Succès critique et public, adaptation cinématographique, bande dessinée: le premier roman de l’Américaine tient du phénomène générationnel. Lui donner suite aurait pu intimider l’autrice. Sauf que ce roman, révélé au monde francophone il y a tout juste trois ans, date de la fin du siècle dernier. Et qu'"Apaiser nos tempêtes", qui paraît aujourd'hui, était disponible en anglais dès 2006.

Je voulais mettre en scène ces deux personnages pour suggérer à la fois quelque chose d’universel dans l’expérience de la maternité, et en même temps montrer combien cette expérience est unique à chaque femme et chaque situation.

Extrait de l’entretien avec Jean Hegland

Les mères et leurs rôles

Longtemps différés dans leur réception française, les romans de l’autrice californienne n’y perdent pas au change. Plus que jamais, l’époque est apte à saisir, dans ce récit de deux femmes qu’une maternité précoce engage, le témoignage des épreuves que les rôles attribués aux mères agencent sur le chemin de l’émancipation.

A l’image de cet arbre fendu en deux qui ouvre le roman, "Apaiser nos tempêtes" suit en alternance les destins d’Anna et de Cerise, deux femmes qu’un monde social, intellectuel et affectif semble opposer. Pourtant, au fil de leurs récits de vie, les coïncidences sont troublantes: toutes deux traversent des épreuves dans lesquelles le choix de garder ou non un enfant, de suivre un mari, un amant, de sacrifier sa création ou de s’y adonner semble des embranchements existentiels propres à faire chavirer un destin.

Deux chemins, puis une rencontre

Ainsi, jusqu’à leur rencontre au terme du parcours, les vies parallèles de ces deux femmes peuvent se lire comme les chemins empruntés par deux sœurs au sein d’un même conte de fées: l’une est riche, l’autre est pauvre, l’une vit une situation maritale stable, l’autre ne connaît que la désillusion sentimentale, l’une acquiert un statut prestigieux, l’autre s’efface en marge de la société.

Une des choses qui m’a passionnée dans l’écriture de ce roman, c’est l’art. Quel rôle joue-t-il dans nos vies, comment donne-t-il du sens à nos existences, comment le nourrit-on.

Extrait de l’entretien avec Jean Hegland

Rien de caricatural, cependant, dans cette dualité tranchée. Car la question centrale qui traverse le roman est surtout celle de la création artistique: comment concilier de manière harmonieuse une vie de mère avec un parcours artistique exigeant? La chose est possible: Jean Hegland et son personnage d’Anna, sans doute un double de l’autrice, peuvent en témoigner. Et dans ce roman bouleversant, traçant une ligne de crête entre différents abîmes tragiques, l’affirmative finit par l’emporter.

Nicolas Julliard/mh

Jean Hegland, "Apaiser nos tempêtes, éditions Phébus.

Jean Hegland parlera de ce roman à la Fondation Jan Michalski de Montricher le 10 octobre à 17h.

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