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Christine Angot, une écriture de la douleur précise et magistrale

Christine Angot. [Editions Flammarion - Bouchra Jarrar]
Entretien avec Christine Angot, autrice de "Le Voyage dans l'Est" / QWERTZ / 33 min. / le 29 septembre 2021
L'autrice d'"Un amour impossible" écrit de nouveau sur l’inceste qu’elle a subi à partir de l’âge de treize ans. "Le voyage dans l'Est" est un livre magistral qui semble contenir l’ensemble de son œuvre et qui est présent sur les premières sélections de plusieurs prix littéraires.

"Le voyage dans l’Est", publié chez Flammarion, était un des livres les plus attendus de cette rentrée. Car Christine Angot est une figure particulière dans l’espace littéraire français, et ce depuis "L’inceste", en 1999. Elle abordait alors un sujet qui allait être au centre de nombre de ses livres ensuite, l’inceste que lui a fait subir son père à partir de l’âge de treize ans.

La démarche d’Angot, qui ne s’est pas contentée d’écrire un témoignage mais revendique depuis le début le terme de roman à propos de son travail, a pu choquer. Pourtant, c’est bien une œuvre littéraire que l’autrice d’"Une semaine de vacances" en 2012 et d’"Un amour impossible" en 2015 a construite.

Il y avait trop de choses comprises en dépit du bon sens concernant la question de l'inceste. Il fallait que je montre les choses d'une manière que je n'avais jamais faite, de façon à ce que cette chose soit comprise, car je voyais manifestement qu'elle ne l’était pas.

Christine Angot

Remis à plat de son histoire

Le mouvement #MeToo a modifié la situation. Il y a eu également en 2020 le livre de Vanessa Springora, "Le consentement", qui racontait l’emprise qu’avait exercée l’écrivain Gabriel Matzneff sur elle quand elle avait quatorze ans. Celui de Camille Kouchner en janvier dernier, "La familia grande", qui révélait l’inceste qu’avait fait subir son beau père, Olivier Duhamel, sur son jeune frère. Autant d’événements qui ont fait bouger la société française.

Le livre de Christine Angot est une sorte de remise à plat de son histoire. Il suit sa narratrice de l’âge de 13 ans, lorsqu’elle rencontre son père pour la première fois, jusqu’à aujourd’hui, en adoptant son point de vue et en faisant partager son désarroi et ses interrogations au fil des années. Angot parvient très bien à démontrer à quel point l’inceste détruit une personnalité et on mesure dans quelle immense solitude se retrouve une petite fille abusée.

J'essaie de restituer l’ordre tel qu'il a été. Il y a des points fixes, sur lesquels je n’ai aucun doute. Parfois, je parviens à associer des lieux et des climats. D'autres points sont épars, séparés les uns des autres. La logique temporelle est parfois brouillée, estompée, délavée, mais le dessin est là. La forme est là. Ce qui est clair, précis, certain, dont je me souviens parfaitement, sans aucun doute possible, ce sont mes sentiments. Ce que j'ai ressenti.

Extrait de "Le voyage dans l’Est" de Christine Angot

Une lumière nouvelle

"Le voyage dans l’Est" est aussi et surtout un texte précis où chaque mot est savamment pesé. Une construction qu’on devine extrêmement pensée où Christine Angot a disséminé des scènes présentes dans ses livres précédents, qui sont autant de liens vers les différentes étapes de son œuvre, mais en les retravaillant, comme si elle les éclairait d’une lumière nouvelle. De ce fait-là, toutes sortes de questions formelles surgissent, à propos du point de vue ou de la temporalité, qui font de ce livre un de plus intéressants travaux littéraires de la rentrée.

Sylvie Tanette/aq

Christine Angot, "Le voyage dans l’Est", ed. Flammarion.

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