Comment Rudolf Lindt a-t-il découvert la recette du meilleur chocolat du monde? Comment Henri Nestlé a-t-il inventé la farine lactée? Pourquoi Carl Franz Bally s'est-il mis à fabriquer des chaussures? Dans son dernier livre, "Aventuriers", publié aux éditions Cabédita, Alex Capus, l'un des écrivains les plus populaires de notre pays, explore les trajectoires de dix inventeurs suisses du 19e siècle.
On imagine souvent que derrière les noms de grandes entreprises se cachent les destinées brillantes de leurs fondateurs. Il n’en est rien. "J’adore les gens ordinaires qui font des choses extraordinaires. Ce ne sont pas des génies. Ce sont des gens normaux qui sont tombés sur des circonstances favorables, qui avaient un esprit admirable de découverte, d’innovation, un élan d’entrepreneur. Ils avaient une ténacité, et parfois peu de scrupules", confie Alex Capus à la RTS. "Pas le genre d’hommes que je conseillerais à ma fille d’épouser."
J’adore les gens ordinaires qui font des choses extraordinaires.
Avec humour et finesse, avec pléthore de recherches historiques aussi, Alex Capus brosse le portrait de ces dix hommes, qui n'étaient donc pas des génies, mais qui avaient "un atout financier. Ils étaient tous fortunés, soit de naissance, soit par mariage."
Et pourquoi pas de femmes dans cette galerie de portraits? "J’en ai cherché, des femmes fondatrices d’entreprises suisses [à cette époque]. Il n’y en a pas."
Lindt et Bally, inventeurs
Parmi les dix capitaines d'industrie, il y a Rudolf Lindt. Le chocolat d'avant Lindt, "on ne le mangerait pas", raconte Alex Capus. Il a inventé par accident le chocolat tel que nous le connaissons. Un vendredi soir, alors qu’il allait faire la fête, il a oublié d’éteindre la machine qui remuait la masse sableuse [des fèves de cacao réduites en poudre]. La machine a continué son travail de malaxage pendant tout le week-end. Le lundi matin, quand Lindt revient, il trouve, au lieu du sable, une chose qu’on n’avait jamais vue auparavant. Lindt venait d'inventer le conchage, un procédé d'affinage du chocolat par brassage.
Carl Franz Bally, lui, se rend à Paris. Ce fabricant de bretelles a pour mission de ramener des bottines à sa femme, "mais il avait oublié sa pointure, explique Alex Capus. Il en a donc acheté une dizaine pour être sûr d’avoir la bonne taille. C’est là qu’il a eu l’idée de fabriquer des chaussures de manière industrielle."
Existe-t-il aujourd'hui de grands hommes, ou de grandes femmes, qui portent loin les couleurs de l'industrie helvétique? "Je ne sais pas si les circonstances sont favorables. Le 19e siècle était l’époque de l’industrialisation, avec des bouleversements sur tous les plans. Est-ce que notre époque ressemble à cela? Je ne sais pas, qui vivra verra."
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Pauline Rappaz
Alex Capus, "Aventuriers", éditions Cabedita.
Alex Capus, "Le roi d'Olten"
Alex Capus passe son enfance à Paris, puis à Olten, avant d’aller à Bâle, où il étudie l’histoire, la philosophie et l’ethnologie. Il travaille d’abord comme journaliste pour différents quotidiens suisses.
Son premier roman publié en 1997, "Munzinger Pascha", lui apporte rapidement la notoriété auprès d'un large public. On peut citer aussi son autoportrait "Le roi d'Olten" et son roman "Léon et Louise", paru en français en 2012, et qui s'est vendu à plus d’un million d'exemplaires.
Alex Capus vit aujourd’hui à Olten. Outre son activité d'écrivain indépendant, il tient le Galicia Bar, un café culturel qui a pour devise: "Les jeunes et les vieux, les bizarres et les hétéros, les colorés et les gris - tous sont les bienvenus et il y en a pour tous les goûts."