Quand il s’agit de parler de la pop italienne, Rosario Ligammari s’enflamme: "J’ai la double nationalité, mon père est sicilien et ma famille paternelle vit en Sicile. J’y vais tous les ans depuis que je suis né, et c’était plus logique pour moi depuis tout petit d’aller vers la musique chantée en italien, puisque je comprenais la langue."
Après avoir écrit pour Gonzaï et Magic, pour Canal+ et Wyylde, ancien magazine dédié aux sexualités, Rosario Ligammari se fait guide non pas touristique, mais musical. Son objectif: offrir à la musique chantée en italien la reconnaissance qu’elle mérite. "Je considère que la musique italienne, dans sa richesse n’est pas suffisamment représentée hors de l’Italie", constate-t-il.
Musica leggera e Malinconia
Dans "Buongiorno Pop", qui fait référence au titre "Buongiorno Tristezza" de Claudio Villa (inspiré du roman "Bonjour Tristesse" de Françoise Sagan), Rosario corrige un cliché: la pop italienne a beau avoir des airs de musique légère dans sa production, elle n’en cache pas moins une grande "malinconia", la mélancolie.
Autant Anna est le prénom qui a engendré le plus de chansons en Italie, autant je pense que le mot Malinconia et un terme qui est peut-être le plus utilisé dans la pop classique. Il est rare de trouver un disque sorti dans les années 1970-80 sans qu’il y ait au moins une fois ce mot.
Bowie en italien
En feuilletant "Buongiorno Pop", on tombera forcément sur Paolo Conte, Laura Pausini, Gianna Nannini ou Eros Ramazzotti, mais pas que. On découvrira qu’en 1960, Mina était autant brailleuse qu’Adriano Celentano et que personne n’incarne mieux le Blues napolitain que Pino Daniele. Surtout, on comprendra qu’en Italie, si la musique a autant d’importance dans la vie des gens, c’est parce qu’elle s’y invite depuis le début des années 1950 grâce aux retransmissions de musiques live sur petit écran. "Quand le festival de Sanremo apparaît en 1951, c’est la possibilité de pouvoir écouter cette musique qu’on aime tant, et surtout de sortir, pour aller regarder la télévision chez les autres", commente Rosario Ligammari.
Le succès des shows télévisés de musique live va même pousser l’industrie du disque à séduire le public italien en faisant réenregistrer leurs titres en italien à certains artistes anglo-saxons. Ce sera le cas pour Stevie Wonder et d’autres gros noms du label Motown. Ce sera le cas aussi pour David Bowie qui, en 1970 alors que "Space Oddity" peine à grimper les échelons des charts de la péninsule, est invité à en faire une version en italien. "Space Oddity" devient "Ragazzo Solo, Ragazza Sola" et Bowie s’en sort plutôt bien dans la langue de Boccace.
>>À voir, David Bowie chante "Ragazzo Solo, Ragazza Sola":
Un savoir-faire qui dure
Quand on pose à Rosario Ligammari la difficile question de faire ressortir un.e artiste ou un album parmi les cent proposés dans "Buongiorno Pop", il contourne habilement l’obstacle: "On me pose tout le temps la question, et je réponds à chaque fois avec un.e artiste différent.e. Il y a un artiste que j’aime vraiment beaucoup qui s’appelle Cesare Cremonini. Il a commencé avec Lùnapop qui est un groupe qui a défini le territoire it-pop, parce que c’est de la britpop en italien. Je trouve qu’il se bonifie avec l’âge, et je pense qu’il représente aujourd’hui la quintessence de la pop italienne. Ses chansons sont accessibles et demandent du temps et j’attends avec impatience son prochain album qui sans doute sera encore meilleur que le précédent."
Ellen Ichters/ms
Rosario Ligammari, "Buongiorno Pop", ed. Le Mot et le Reste.
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