"Je l'ai presque vu sauf qu'il était plus là, non, il était plus là en entier. Y avait bien ses pieds dans ses chaussures et ses mains, ça oui, et la tête, c'était bien la sienne, je vous jure! Mais tout le reste, nom de Dieu! Tout le reste c'était que des cendres. Le feu a bouffé Marcel de l'intérieur".
Marcel Tinguely a-t-il été victime d’un accident, d’un phénomène de combustion spontanée ou s’est-il fait assassiner d’une manière atroce? Pour l'inspecteur lausannois Charles Rouzier, c'est le début d'une enquête en terres fribourgeoises, enquête qui le confrontera à l'omerta d'un petit village mais aussi à ses propres démons. Avec "Dans l'étang de feu et de soufre", titre tiré de l'Apocalypse, Marie-Christine Horn signe un polar inspiré, d'une lumineuse noirceur.
Grande admiratrice des "Fleurs du mal"
De son admiration sans bornes pour "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire - un livre emprunté à la bibliothèque de son école à 13 ans et qu'elle n'a jamais rendu - elle nourrit un vocabulaire assez cru et des descriptions très réalistes. Son début de roman dans le bistrot gruyérien, le Lion d'or, sent la sueur, l'alcool et le tabac froid de plusieurs générations. Son écriture frontale lui permet aussi de coucher des scènes sexuelles mémorables, à la fois directes et poétiques.
Chaque roman comprend une scène intimiste. C'est un peu ma signature. Avec mon éditeur, quand il s'agit de les relire à haute voix, cela donne des moments à la fois très drôles et assez gênants.
Hypothèse plausible
Mais comment l'auteure fribourgeoise a-t-elle été amenée à évoquer un sujet aussi insolite que la combustion spontanée? "Mes romans partent souvent d'une interrogation, d'une configuration que je n'arrive pas à comprendre, de faits que je ne m'explique pas. C'est le cas de la combustion spontanée qui entraîne avec elle beaucoup d'hypothèses mais aucune certitude. Treize cas sont à ce jour non résolus. Je me suis beaucoup informée, y compris auprès des pompiers, et je me suis forgée ma propre théorie. Ce n'est pas forcément une bonne réponse, mais c'est plausible, logique", explique la Fribourgeoise qui a un travail à 100% en dehors de l'écriture.
Alors quand écrit-elle? "Je fais d'abord un travail d'imagination mentale, dans mes trajets en voiture, le soir, dans mon bain. Et quand l'histoire est prête, je prends une ou deux semaines de congé pour écrire".
Un inspecteur plus présent
Dans son dernier polar, l'auteure renoue avec l'inspecteur Rouzier, déjà présent dans deux de ses précédents romans, "La Piqûre" et "Tout ce qui est rouge". Cette fois-ci, elle accorde à son héros un soin particulier, en explorant un pan de sa vie privée. Loin de sa zone de confort, l'inspecteur devra non seulement décrypter les secrets de ce petit village où l'alcool joue un rôle prépondérant mais aussi assouvir un désir de rédemption envers une femme, sa propre fille, qu'il avait jusque-là négligée.
"Rouzier est une personnalité attachante qui permet aisément l'identification. Au fil du temps, il est devenu comme un ami, une présence rassurante. J'aime qu'il soit là depuis quinze ans et j'espère qu'il y sera encore dans quinze ans", dit Marie-Christine Horn, dont on apprend, au cours de l'entretien accordé à "Vertigo", qu'elle a un goût prononcé pour l'horreur hérité de sa mère et un irrésistible penchant pour les films de zombies.
La tentation d'écrire un roman d'horreur? "Non, j'aime le roman noir parce qu'il est aussi une critique sociale et qu'il laisse une trace de l'époque".
Propos recueillis par Rafael Wolf
Adaptation web: Marie-Claude Martin
Marie-Christine Horn, "Dans l'étang de feu et de soufre", éditions BSN Press