Réuni au musée Carnavalet à Paris, le jury exclusivement féminin a choisi Clara Dupont-Monod au huitième tour, avec six voix contre cinq à Thomas B. Reverdy pour "Climax". Editrice et journaliste de 48 ans, Clara Dupont-Monod raconte dans "S'adapter" l'arrivée d'un enfant handicapé dans une fratrie.
Ce prix, "je voudrais le dédier à tous les êtres différents, qui sont quand même 12 millions en France, et à toutes leurs fratries, tous ceux qui s'en occupent", a-t-elle commenté devant la presse. "Quand un jury dit: on va s'adapter à un inadapté, eh bien on se dit que c'est presque gagné".
L'autrice, prévenue par son éditeur, a raconté avoir été surprise par la nouvelle. "Je n'ai pas compris tout de suite. C'est très émouvant: ça va au-delà du livre, ce que ce prix couronne, et c'est ça qui me touche", a-t-elle expliqué.
Un ouvrage écrit en captivité
Le prix Femina du roman étranger est allé à Ahmet Altan, pour "Madame Hayat", roman écrit derrière les barreaux. C'est au premier tour qu'il l'a emporté.
Le jeune narrateur tombe amoureux de cette dame plus âgée que lui, dont il écrit qu'"elle n'était pas belle à proprement parler, mais elle avait quelque chose de plus attirant encore que la beauté, un pétillement de vitalité". Sorti de prison en avril après sa condamnation pour participation au coup d'Etat manqué de 2016, qu'il nie fermement, l'écrivain et journaliste de 71 ans ne peut quitter son pays.
"Malheureusement je ne pourrai pas être avec vous aujourd'hui (...) voyager hors de Turquie m'étant interdit", a-t-il déclaré dans une vidéo de remerciements au jury.
Dans une lettre lue à la presse par son éditeur français Timour Muhidine, l'auteur a dédié ce prix Femina "à toutes les femmes turques et kurdes injustement emprisonnées".
Picasso, un étranger en France
Enfin le prix de l'essai a été décerné à l'historienne Annie Cohen-Solal pour "Un étranger nommé Picasso", qui raconte comment le maître espagnol n'a jamais acquis la nationalité française. "Il se trouve que Picasso a 140 ans aujourd'hui! C'est un homme qui ne s'est jamais plaint de ce qui lui est arrivé, alors que pendant des décennies il a vécu quelque chose que vivent tous les étrangers: il allait au commissariat tous les deux ans mettre ses empreintes. Il n'en a jamais dit un mot", a rappelé Annie Cohen-Solal.
Quand il demande la nationalité en 1940, "c'est un obscur fonctionnaire de guichet, un petit bonhomme avec un pouvoir exorbitant, un véritable pétainiste, qui a enterré son dossier. J'ai découvert son nom, et j'ai pu comprendre comment même un grand génie n'est pas à l'abri de l'administration", a-t-elle ajouté.
Le prix Femina est le premier des grands prix littéraires d'automne, avant le Médicis mardi, le Grand Prix du roman de l'Académie française jeudi et les prix Goncourt et Renaudot le 3 novembre.
ats/afp/mh