"Sfumato" de Florence Grivel, un nuage d'histoire de l’art

La couverture du livre "Sfumato" de Florence Grivel. [Art&Fiction]
Entretien avec Florence Grivel, autrice de "Sfumato" / QWERTZ / 21 min. / le 3 novembre 2021
Historienne de l’art, Florence Grivel publie cet automne "Sfumato". Un petit recueil savoureux dans lequel elle explore son rapport très personnel à l’art et à la notion de chef d’œuvre.

C’est un petit livre noir. Noir comme un ristretto bien serré. Sombre comme le glacis qui sert à la fois à adoucir et à révéler, avec la technique du sfumato, utilisée notamment par Léonard de Vinci pour sa Joconde. "Je n’ai jamais vu la Joconde en vrai" est le sous-titre et l’un des fils conducteurs de "Sfumato", "récit en mouvement" conçu par Florence Grivel, historienne de l’art et collaboratrice de la RTS.

Ce livre, c’est une sorte de déambulation le nez au vent: des zigzags, des sauts dans le temps, dans l’espace, dans le ton. Une sorte de labyrinthe dans lequel l’autrice nous propose de la suivre. Et d’anecdote en anecdote, de mots italiens en phrases anglaises, de considérations gastronomiques en récits historiques, on retombe à chaque détour sur la Joconde.

Anti-leçon d'histoire de l'art

Car, jamais à court de paradoxes, cette "anti-leçon" d’histoire de l’art s’articule autour d’un tableau - petit par la taille, immense par son aura, sa célébrité - que l’autrice n’apprécie pas.

20’000 personnes chaque jour viennent voir la Joconde au Louvre. Et elle ne sourcille pas…

Florence Grivel, "Sfumato"

Florence Grivel a écrit des catalogues, des monographies, des récits, des nouvelles et des livres d’artiste en parallèle de ses activités de journaliste radiophonique spécialiste d’art visuel. Dans "Sfumato", elle se livre beaucoup, elle offre des facettes très personnelles de son parcours, raconté au fur et à mesure qu’elle lève le voile sur la Joconde.

Ce monstre sacré de la peinture, c’est pour elle – et pour nous du même coup – l’occasion de nous interroger sur notre rapport à l’histoire de l’art. Comment approcher les monstres sacrés, sans se laisser tenir à distance par la connaissance académique?

Le rôle de la mémoire

Devant des toiles de maître, pendant une visite dans un musée prestigieux, l’autrice raconte: "je roucoule, mais je ne vois rien. Je ne sens rien. Leur pedigree et mon autosatisfaction ont pris le pas sur l’œuvre."

Quel rôle joue la mémoire dans l’histoire de l’art? "C’est une mémoire, mais c’est aussi un activateur du réel, je lis beaucoup le monde au travers de l’histoire de l’art, pour moi c’est un outil expérimental."

Léonard de Vinci a beaucoup travaillé sur la Joconde, il l’emportait avec lui dans tous ses voyages, c’était son œuvre-laboratoire.

Florence Grivel, "Sfumato"

Tout en parlant de Léonard de Vinci et de sa Joconde, l’autrice nous entraîne à la rencontre d’autres expérimentateurs plus proches de nous, de Marcel Duchamp, de Marina Abramovic, de Bruce Nauman, entre autres… et de leurs œuvres décisives. Car ce qu’elle cherche avant tout, c’est ce moment où on "découvre les choses, au moment de cette épiphanie où il se passe quelque chose. Et dans tout!"

"Sfumato" ce sont des rencontres avec des artistes, morts ou vivants, c’est aussi une occasion de revenir sur des expériences, de performances, des voyages, des moments distillés par le temps et esquissés à traits rapides, comme sont esquissées les aquarelles de l’auteure.

Isabelle Carceles/aq

Florence Grivel, "Sfumato", éd. Art&Fiction. L'auteure propose des "lectures augmentées" de son texte, dès le 5 novembre, en divers lieux de Suisse romande.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié