"Ce livre se veut une enquête sur le mot rock à la lumière du monde judiciaire qui parfois l'éclaire, parfois l'éclipse (...) Car la musique éprouve le droit. Tous les droits, de la propriété à la succession. Aussi, parce que la musique force la morale, la société à se remettre en cause", écrit Fabrice Epstein dans l'introduction de "Rock'n'roll Justice".
Au fil de son livre, rock et justice apparaissent au final comme un couple indissociable plutôt qu'improbable. Parce que les musiciens ont souvent eu affaire aux tribunaux, qui arbitrent les relations tumultueuses entre musiciens, imprésarios et labels. Il y est question de faits divers, de drogue, de sexe, de ces affaires qui font la joie des médias.
"Par sa vision transgressive, subversive, son jeu perpétuel avec les codes et les limites, le rock met à l’épreuve la société et ses institutions", indique Fabrice Epstein, avocat, chroniqueur dans divers magazines et spécialiste de ces affaires qui dresse une histoire judiciaire du rock des années 1950 à nos jours en 58 petites affaires et grands scandales.
"Les rockeurs font avancer la jurisprudence"
"Le livre est né d'un manque en la matière. Dans les biographies, il y a de petites choses sur les affaires judiciaires mais rien comme livre uniquement consacré à ces affaires, explique à la RTS Fabrice Epstein. Ce qui me passionne, c'est de voir à quel point les rockeurs sont de bons clients pour la justice, mais aussi parfois ils font avancer la jurisprudence, à l'image des Sex Pistols, John Lennon ou Bob Dylan notamment."
En 1977, devant un tribunal anglais, une loi oubliée remontant à 1899 a ainsi été évoquée pour réclamer la censure de l’album "Never Mind the Bollocks"("on s’en bat les couilles") des Sex Pistols. Mais la défense des punks indique alors que le terme "bollocks" a successivement désigner de petites balles puis des orchidées et, enfin, des hommes d’église. Pas d'offense donc, les plaignants se voient déboutés, l'ancienne loi est abrogée et les ventes de l'album décollent.
Passionnant vade-mecum
Dans un même chapitre intitulé "La société à l'épreuve", Fabrice Epstein revient aussi sur les poursuites pour obscénité contre le chanteur des Doors Jim Morrison ou l'interdiction de séjours des Kinks aux Etats-Unis en raison de leur comportement incontrôlables en tournée. Ailleurs, le juriste évoque plusieurs procès d'artistes pour plagiat (la célèbre affaire autour du "Stairway to Heaven" de Led Zeppelin), le fameux féminicide du producteur américain Phil Spector, l'histoire de la croisade contre les paroles de chansons jugées contraires aux bonnes mœurs et l'obtention du sticker "Explicit Lyrics" sur les pochettes d'albums, le litige entre Apple Corporation (la société des Beatles) et Apple Computer (la firme de Steve Jobs), les médiatiques cas français concernant le chanteur Bertrand Cantat pour le meurtre de l'actrice Marie Trintignant, celui des Daft Punk dans le registre de la gestion des droits ou encore celui sanglant des sosies de Johnny Hallyday et de Gainsbourg.
Ces dizaines d’affaires étayées par le juriste, tirées parfois de chroniques déjà parues, constituent au final un passionnant et édifiant vade-mecum autant qu'une excellente définition du rock'n'roll.
Propos recueillis par Ellen Ichters et Benjamin Luis
Texte et adaptation web: Olivier Horner
Fabrice Epstein, "Rock'n'roll Justice", La Manufacture de livres.