Dans "Sousbrouillard", bande dessinée au nom prédestiné, les lambeaux de brumes s’évaporent pour laisser la place à une quête rêvée. Sara, abandonnée à la naissance, débarque dans un petit village auquel la rattache un bout de papier. Le mystère des origines de Sara se perd dans le lac, dans le café "L’Eternité", à l’église, à la bibliothèque, dans la chapelle des ronces et chez tous les habitants.
'Sousbrouillard' est une histoire qui parle de notre besoin d’histoires. Une histoire qui essaie d’interroger toutes les fictions dont on est fabriqué et qui ont besoin d’être explorées, formulées, pour donner un sens à nos vies. C’est une histoire sur la parole et sur le sens qu’on donne à celle-ci.
Une parabole sur notre rapport à l'autre
Pour Anne-Caroline Pandolfo, scénariste, ce roman graphique est une parabole, un conte dans lequel elle interroge notre rapport à l’autre. Sara est un personnage qui entre dans cette fiction en pensant être vide, puisqu’elle ne connaît pas ses origines. Mais en s’intéressant aux autres, elle finit par oublier sa propre quête. Le vide se remplit, les histoires enfouies se montrent, s’entrelacent et nous révèlent.
On est tous faits de fiction, déjà avec nos patronymes, les cercles qui nous enferment, géographiques ou généalogiques. En lisant des histoires, l’intérêt c’est de s’ouvrir à la complexité des autres. La littérature fait réfléchir aux nuances. Le livre a vocation d’ouverture.
Un grand puzzle ludique
La parole partagée, le besoin de raconter, la scénariste les met en scène avec son compagnon Terkel Risbjerg, bédéaste. Ensemble, ils travaillent à transformer le scénario, à lui donner sa forme plastique, trouvent le rythme des séquences. L’image finit par parler à la place de ce qu’elle écrit. Les deux auteurs se complètent parfaitement, discutent beaucoup, se font confiance. La recherche sur le physique des personnages se fait ensemble.
Sara, se souvient Anne-Caroline Pandolfo, était difficile à dessiner. Ce personnage est censé être neutre et ouvert sur les autres. Sara est dessinée sans particularité, ni grosse, ni maigre, ni trop grande ni trop petite, à part ses grands yeux et la couleur de ses cheveux orange pour la rendre graphiquement très visible dans la page, car elle est le fil conducteur au milieu de ce foisonnement d’histoires. Anne-Caroline Pandolfo travaille par couches. Ce roman graphique est un grand puzzle ludique.
J’avais envie d’une histoire à tiroirs foisonnante, qu’on comprenne qu’on se construit à travers toutes les histoires des autres. La question de la généalogie a finalement assez peu d’importance au regard de tout ce qui se passe dans une vie, de tout ce qu’on peut faire, de toutes les questions qui se soulèvent.
Faire tomber les frontières
Dans "Sousbrouillard", il y a évidemment une recherche d’identité qui est associée à une recherche psychanalytique. Qui est-on? De quoi est-on construit? Quelle est notre part d’imaginaire? Les deux auteurs questionnent en permanence leurs chimères, les inscrivent sur le papier, jouant des lignes, des pleins et des déliés. La bande dessinée leur offre un terrain de jeu fantastique où tout est possible. "J’ai besoin d’inventer des histoires qui font tomber les frontières, entre le monde intérieur, extérieur, réalité et fiction."
Roman graphique au ton à la fois nostalgique et enjoué, "Sousbrouillard" nous emporte avec allégresse vers le meilleur de nous-mêmes.
Catherine Fattebert/aq
Anne-Caroline Pandolfo & Terkel Risbjerg, "Sousbrouillard", Dargaud.
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