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Bruno Blum voit dans les Caraïbes la matrice géniale des musiques actuelles

La couverture du livre "Les musiques des Caraïbes" de Bruno Blum. [Castor Music]
Entretien avec Bruno Blum, auteur de "Les musiques des Caraïbes" / QWERTZ / 28 min. / le 21 décembre 2021
Avec "Les musiques des Caraïbes, du vaudou au calypso", Bruno Blum nous fait découvrir avec passion et méthode un écosystème musical unique au monde.

Quel est le lien entre mambo, calypso, blues, jazz, salsa, reggae et rap? Tous ces genres prennent leur source dans l’archipel des Caraïbes, véritable territoire de micro-cultures alimenté par toutes les populations qui y ont transité.

Pendant douze ans, le musicien et auteur Bruno Blum a peaufiné une analyse riche et méticuleuse d’une véritable route de la soie rythmique et culturelle qui explore l’infinité de micro-cultures musicales caribéennes, sur un territoire qu’il n’hésite pas à étendre jusqu’en Louisiane.

Les pinsons de Darwin, mais en musique

Pour Bruno Blum, les Caraïbes sont le creuset culturel et musical à partir duquel la plupart des musiques des Etats-Unis ont vu le jour. Chinois, Juifs, Africains, Européens et Premières Nations ont habité les îles au cours des siècles, pour créer une multitude d’identités créoles très fortes, et bien distinctes les unes des autres.

Aux Caraïbes, ce qui est vraiment significatif, c’est qu’il y a eu un mélange qui n’existait nulle part ailleurs dans le monde.

Bruno Blum

L’auteur estime que l’impact des musiques caribéennes ne doit pas être confondu avec celui des musiques africaines, bien moins influentes à son sens. La raison? Simplement, souligne-t-il, parce que les Caraïbes sont à côté des Etats-Unis, et pas l’Afrique.

Pour autant, regrette Bruno Blum, jamais l’apport des îles n’est cité dans la cosmogonie de la musique telle que la racontent les Etats-Unis, alors que la plupart des genres dits "américains" sont redevables à ces musiques séminales; leurs transformations offrent une grille de lecture de l’histoire des colonies et de l’esclavage, mais en rythme.

François Villon à Trinité-et-Tobago

Un exemple illustre parfaitement cette réécriture américaine, c’est celui de l’album "Calypso" (1956), énorme succès d’Harry Belafonte, le chanteur originaire de la Jamaïque. Or, malgré ce titre, les chansons de l’album s’apparentent plutôt au mento jamaïcain; le vrai calypso, lui, est originaire de Trinité-et-Tobago. C’était là-bas une musique de carnaval où différents chanteurs se livraient entre eux une féroce compétition vocale et littéraire, dont l’origine pourrait remonter à l’influence du poète François Villon (c. 1431 – c. 1463).

La France et les Martiniquais ont eu une grande influence à la Trinité, et la tradition littéraire y est arrivée par les poètes français. Les éléments européens sont partout, dans toutes les Caraïbes, y compris dans le sud des Etats-Unis; et l’humour y est constant.

Bruno Blum

Malgré cette erreur, la pop culture américaine a, d’une certaine manière, piraté le terme calypso.

Carte aux trésors musicaux

L’aventure du calypso est l’une des histoires racontées au fil des 30 chapitres que comprend "Les musiques des Caraïbes"; une épopée, sociale, politique et de résistance, où l’on s’arrête ici et là, le temps de déchiffrer une carte dessinée par Bruno Blum, façon pirate des Caraïbes. Et comme un livre qui parle de musique n’est jamais aussi passionnant à lire qu’en ayant la musique en tête, Bruno Blum a fait correspondre à chacun des chapitres un coffret de disques paru chez Frémeaux & Associés.

Ellen Ichters/aq

Bruno Blum, "Les musiques des Caraïbes, du vaudou au calypso", éd. Le Castor Astral.

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