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Un roman graphique émouvant pour raconter la photographe Vivian Maier

La couverture du livre "Vivian Maier. A la surface d'un miroir". [Editions Steinkis]
Entretien avec Paulina Spucches, autrice de "Vivian Maier - à la surface d'un miroir" / QWERTZ / 26 min. / le 22 décembre 2021
Avec "Vivian Maier, à la surface d’un miroir", Paulina Spucches, illustratrice de 22 ans, s’éprend de l’œuvre de Vivian Maier, l'une des plus grandes photographes du 20e siècle.

Vivan Maier, c’est d’abord une silhouette. Celle qui nous fixe, sur la couverture d’"A la surface d’un miroir", le roman graphique de Paulina Spucches. Celle qui arpente, Rolleiflex en bandoulière, les rues de Chicago, de New York ou de son village des Hautes-Alpes françaises. Celle qui se photographie au détour des vitrines et des façades, à la dérobée, presque fantôme d’elle-même, pas tout à fait absente, mais d’une présence comme différée.

Un autoportrait de Vivian Maier. [AFP - Museo Roma in Trastevere]
Un autoportrait de Vivian Maier. [AFP - Museo Roma in Trastevere]

Toutes ces facettes contribuent à esquisser, sans jamais l’enfermer, les contours de celle qu’on place aujourd’hui parmi les plus grandes photographes du 20e siècle.

En s’appuyant sur ses images pour imaginer librement les coulisses de leur prise de vue, Paulina Spucches propose une interprétation poétique et attachante du mystère Vivian Maier et du destin extraordinaire de son œuvre: autrice de dizaines de milliers de clichés, elle n’a jamais dévoilé sa production artistique de son vivant. Gouvernante d’enfants, cette femme solitaire s’est peu préoccupée du résultat de ses images.

Il aura fallu la curiosité d’un agent immobilier, John Maloof, pour que son œuvre soit sauvée de l’oubli en 2009, quelques mois après sa mort.

C’est au détour d’une balade au centre culturel de San Sebastian que je fais la rencontre de Vivian Maier, figure de la photographie de rue du 20e siècle, mais avant tout figure de femme du quotidien qui aurait pu tomber dans l’oubli et qui parvient jusqu’à nous par les traces qu’elle laissa derrière elle.

Paulina Spucches

Vivian Maier, une femme sensible

En s’appuyant sur les indices et les biographies de Vivian Maier, l’illustratrice a trouvé un moyen inédit de cheminer dans cette œuvre pleine d’humanité, de bitume brûlant et d’histoires intimes: les photographies de l’artiste, reproduites à l’aquarelle comme des tableaux, sont le point de départ de micro-fictions où Paulina Spucches développe le hors-champ des images, remettant en scène l’instant où Vivian Maier déclenche l’obturateur de son appareil photo.

On y découvre une femme sensible, cherchant la compagnie d’autres femmes-artistes comme elle, protégeant jalousement sa solitude, aimant se noyer dans la foule, attentive aux scènes de la vie urbaine, ferme mais loyale avec les enfants dont elle a la garde, prise dans les déchirements d’une famille dysfonctionnelle éclatée entre l’Europe et les Etats-Unis, et surtout profondément concernée par les symptômes de son époque.

Une grande maturité

"Très jolie votre tenue blanche. C’est amusant, vous saviez que les colons s’habillaient tout de blanc non seulement pour mieux supporter la chaleur, mais aussi parce que ce sont des tenues qui capturent particulièrement bien la lumière et qui les mettaient mieux en valeur aux côtés des personnes noires quand ils se faisaient prendre en photo?", crache la photographe sur l’exploiteur d’un jeune cireur de rue.

Il fallait une grande maturité pour se rendre disponible aux signaux qui débordent de cette œuvre particulière, et aux aspérités de Vivian Maier, une femme résolument à part qui a passé sa vie à observer celle des autres. A 22 ans, Paulina Spucches capte tous ces détails avec la sensibilité d’une vieille âme.

Salomé Kiner/aq

Paulina Spucches, "Vivian Maier – à la surface d’un miroir", ed. Steinkis.

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