Avec "Juste un corps", Claude Arnaud nous livre un écrit à la fois intime et universel, le tout dans une écriture chaude et profonde dont la douceur tranche, par instants, avec l’incroyable crudité et concrétude du propos.
C’est que le corps est organique et qu’il se donne avec son propre langage, un langage que l’écrivain.e doit apprendre et ensuite traduire par des mots et un style.
Le cartilage de mes oreilles semble fait d’un caoutchouc sécrété par mon corps, au même titre que l’émail de mes dents et le calcium de mes os.
Chamfort et Cocteau
Claude Arnaud commence par nous raconter ce corps qui nous est étranger, qu’aucun.e d’entre nous ne voit dans sa globalité, et dont le mécanisme et le fonctionnement nous échappe presque totalement. Un monde "à part–nous" et qui pourtant nous porte et que nous habitons.
Puis ce sera l’évocation des autres, autres écrivain.es, qui ont traversé et traversent encore l’auteur. Pour certains, comme Chamfort ou Cocteau, Claude Arnaud mettra tout son être, et donc son corps, sa plume et son talent à transmettre au lectorat que nous sommes une proposition de mise en mots de leur vie et personnalité.
Ses livres intitulés "Chamfort" et "Jean Cocteau" sont nés du corps de l’auteur Claude Arnaud, et à ce titre, ils l’ont aussi habité, changé et transformé de la même façon et également de façon tout à fait différente, que l’ont fait des récits au sujet plus personnel et autobiographiques que sont "Qu’as-tu fait de tes frères" ou "Je ne voulais pas être moi".
Après quatre ans passés à reconstituer le destin de Cocteau et à vivre dans son corps, mes cheveux blanchirent d’un coup – ils reprirent leur couleur en une nuit: ces 865 pages avaient absorbé toute ma substance, il ne me restait plus rien.
Un processus de gestation
L’auteur emprunte également le vocabulaire de la procréation pour définir l’écriture d’un livre. Le livre est le résultat d’un processus de gestation plus ou moins long, dont la délivrance peut être moult fois différée, voire même étouffée.
Et quand délivrance il y a, le corps de celui qui le fait naître reprend vie lui aussi d’une autre manière que lorsque qu’il donne à engendrer d’autres vies, d’autres mondes, d’autres corps que le sien afin de les faire connaître, là encore à d’autres (corps) que lui.
"Juste un corps" est un livre pas plus lourd que 200g et qui peut prétendre nourrir l’entier des corps de toutes celles et ceux qui choisiront de se le procurer, de suite, ou plus tard. Car il est de telle facture qu’on peut déjà dire de lui qu’il est intemporel.
Céline O’Clin/aq
Claude Arnaud, "Juste un corps", éditions Mercure de France.
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