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Le roman graphique culte "Maus" banni de l'école dans le Tennessee

Le roman graphique "Maus", un monument de la littérature. [Keystone - EPA/Etienne Laurent]
Le roman graphique "Maus", nouvelle victime de la guerre scolaire aux Etats-Unis / La Matinale / 1 min. / le 28 janvier 2022
Oeuvre phare sur la Shoah, le roman graphique "Maus" est désormais banni des écoles dans un comté du Tennessee, aux Etats-Unis. Un nouvel épisode de la guerre des programmes scolaires lancée par des Etats conservateur qui choque les fans du livre d'Art Spiegelman et les organisations juives.

Récompensé par un prix Pulitzer en 1992, une première pour une bande dessinée, "Maus" est un récit poignant sur la Shoah. Le dessinateur Art Spiegelman y raconte les souvenirs bouleversants de son père, un juif polonais, qui a vécu l'horreur d'Auschwitz et qui raconte ses souvenirs à son fils.

Particularité de ce roman graphique traduit en plus de vingt langues, les personnages sont représentés par des animaux, les rendant immédiatement reconnaissables: les juifs sont des souris, les nazis des chats, les Américains des chiens...

"Vulgaire et inapproprié"

Si ce livre est considéré comme une oeuvre culte depuis 30 ans, son contenu a été jugé "vulgaire et inapproprié" pour des collégiens de 13 ans par le conseil d'école du comté de McMinn, dans le Tennessee. Celui-ci a voté le 10 janvier pour le retirer du programme en attendant de trouver un autre livre sur l'Holocauste.

Selon le compte-rendu de la réunion, huit mots vulgaires et le dessin d’une souris anthropomorphique nue dans une baignoire ne doivent pas être présentés aux enfants. Le conseil de l'école a aussi dénoncé la "description de violences et de suicides" donnée dans le livre.

Le conseil a assuré ne pas minimiser la valeur pédagogique de "Maus", ni contester l'importance d'enseigner "les leçons historiques et morales ainsi que les réalités de l'Holocauste". "Nous avons le devoir de nous assurer que les jeunes générations apprennent de ces horreurs pour faire en sorte qu'un événement de cette nature ne se répète jamais", ont ajouté ses membres dans un communiqué.

Des réactions choquées

Interrogé jeudi par la chaîne CNN, Art Spiegelman a dit avoir été plongé dans une "confusion totale" avant d'"essayer d'être tolérant avec ces gens qui pourraient ne pas être des nazis" mais "qui se sont concentrés sur quelques mots grossiers". "J’ai rencontré tellement de jeunes gens qui ont appris des choses grâce à mon livre", a encore regretté l'auteur, ajoutant que l'Etat du Tennessee est "manifestement devenu fou".

Le musée de l'Holocauste de Washington a de son côté souligné sur Twitter que "Maus" jouait "un rôle vital" pour l'enseignement de la Shoah "en partageant des expériences détaillées et personnelles des victimes et des survivants".

"Etant donné le manque prononcé de connaissance de l'Holocauste aux Etats-Unis, particulièrement chez les jeunes Américains, la décision dépasse l'entendement", a réagi David Harris, le directeur général de l'American Jewish Committee, l'une des plus anciennes organisations américaines de défense de la cause juive.

Le livre "explique ce qui est arrivé à des millions de Juifs européens aux mains du régime génocidaire de l'Allemagne nazie", a-t-il ajouté, alors que se tenait jeudi le 77e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, où étaient internés les parents d'Art Spiegelman. Cette date est depuis devenue la Journée de commémoration de l'Holocauste.

>> Voir le sujet du 19h30 sur la Journée de commémoration de l'Holocauste :

Une journée en mémoire des victimes de l'Holocauste
Une journée en mémoire des victimes de l'Holocauste / 19h30 / 2 min. / le 27 janvier 2022

>> Lire aussi : Edith Bruck, l'une des dernières survivantes de la Shoah, "a appris l'amour à Auschwitz"

Une remise en question de l'enseignement

Le retrait de "Maus" intervient dans un contexte de remise en question de l'enseignement dans les Etats américains conservateurs, qui s'attaquent aux livres traitant de sujets allant du racisme à l'identité de genre.

Selon leurs détracteurs, ces oeuvres incitent notamment les enfants blancs à se voir comme des oppresseurs des minorités. Ces militants conservateurs dénoncent la "théorie critique de la race", un courant de pensée qui analyse le racisme comme un système, avec ses lois et ses logiques de pouvoir, plutôt qu'au niveau des préjugés individuels.

Certains Etats, comme la Floride ou le Wisconsin, ont ainsi introduit des textes de loi interdisant aux écoles d'enseigner qu'un individu, peu importe "sa couleur de peau, son sexe ou son origine", soit "par nature raciste, sexiste ou oppresseur, consciemment ou inconsciemment".

Un autre classique de la littérature, le roman "Beloved" de l'Afro-Américaine Toni Morrison, a lui aussi récemment fait l'objet d'une polémique. Une mère d'élève de Virginie a affirmé que son fils lycéen avait fait des cauchemars après avoir lu le livre, qui raconte l'histoire d'une ancienne esclave choisissant de tuer son enfant pour éviter qu'il ne subisse les atrocités de l'esclavage.

Mais ces assauts contre des oeuvres culturelles ne sont pas l'apanage des conservateurs. "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper Lee ou "Les Aventures de Huckleberry Finn" de Mark Twain, monuments des lettres américaines, ont été retirés des listes de lecture obligatoires par plusieurs conseils d'école ces dernières années car jugés insultants pour les Afro-Américains.

Sujet radio: Jordan Davis

Adaptation web: Frédéric Boillat avec afp

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