Dès les premières pages de son roman "Mouches", Mélanie Richoz aborde Josiane, son héroïne, de multiples façons. Ce qui se traduit, dans le texte, par une diversité des points de vue. Josiane est tour à tour narratrice et sujet de narration. Mais rien dans le dispositif d’écriture proposé par l’autrice ne nous donne des indications précises nous permettant de comprendre qui parle exactement et d’où il ou elle parle.
Les lecteur.rices peuvent ainsi se sentir désorienté.es; loin d’en être inconsciente, c’est une volonté de l’autrice fribourgeoise que de nous faire ressentir ce que son héroïne vit, une démence qui n’a de cesse de la désorienter et de faire ressurgir, y compris aux instants les plus inattendus, des événements et émotions marquants de son passé.
J’ai été malmenée par le temps, parce qu’une personne désorientée Alzheimer est désorientée par le temps, donc je n’avais pas envie de m’épargner cette douleur, et je ne l’épargne pas au lecteur.
Des événements qui se télescopent
La vie de Josiane Dumas est une histoire remplie d’instants lumineux, telles les escapades, enfant, avec ses amis dans la campagne, ou la vue de son amoureux à l’église. Mais elle est aussi empreinte d’événements plus sombres et traumatiques comme l’absence et la maladie de sa maman.
C’est au contact des êtres qui l’entourent, ses enfants, et aussi les soignant.es que la mémoire de Josiane, y compris celle de son corps, vient télescoper les événements qu’elle vit et qu’elle a vécus.
Une existence qui s'effiloche
La force du récit de Mélanie Richoz réside dans cette capacité à écrire avec beauté cette existence qui s’effiloche et qui met en bataille non seulement celle à qui elle appartient et qui la porte, mais également tout un chacun et chacune, nous qui bien trop souvent voyons et considérons ces épisodes de nos existences comme étrangers, alors que toutes et tous en sont potentiellement les futur.es protagonistes.
"Mouches" est un récit qui solidarise, avec une grande délicatesse et liberté d’interprétation, les cœurs, les âges et les corps, qu’ils soient bien portants ou mal portants, à l’aurore ou au crépuscule de leur vie.
Céline O’Clin/aq
Mélanie Richoz, "Mouches", éditions Slatkine.
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