Le jeune Richard Collasse découvre le Japon en 1971, lors de son premier voyage. Il a 19 ans, et son but est simple: s'acheter un appareil photo Nikon. Il finit par s’y installer pendant près de cinquante ans, dont vingt ans en travaillant en tant que président de Chanel pour le Japon. Bilingue et marié à une Japonaise, il se fond dans les strates de ce pays multiple.
Inspiré par l’auteur suisse Nicolas Bouvier, Richard Collasse considère que son œuvre constitue une part essentielle de la connaissance que nous avons du Japon aujourd’hui en tant que francophones. "Le Japon s’est fermé au reste du monde pendant près de 300 ans, explique Richard Collasse à la RTS. Pendant ces trois siècles, il n’a pas évolué. Ce qui est extraordinaire, c’est que ce pays qui était encore au Moyen-âge en 1865 s’équipe de la modernité en moins de quarante ans, notamment de navires qui battront l’armada russe dans le détroit de Tsushima, réputé invincible à l’époque. Le reste du monde découvre alors l’existence du Japon."
Le "Soft Power" japonais
En 1945, le Japon est ravagé par les bombes atomiques de la Seconde Guerre mondiale. Son développement repart cependant grâce à la guerre de Corée, lors de laquelle l’armée américaine utilise l’archipel comme un porte-avion. L’industrie et le savoir-faire japonais, notamment les appareils photo, sont célèbres jusqu’en occident. "Ce pays qui a été détruit devient tout à coup la troisième puissance mondiale, puis la deuxième puissance mondiale dans les années 1980", précise Richard Collasse.
Vient ensuite une récession économique, durant laquelle le Japon entre dans une spirale déflationniste. "C’est là que le ‘Soft Power’ s’impose, presque à l’insu des Japonais. Leur culture populaire – notamment les mangas et les animés – s’exporte massivement en Europe, notamment en France, en Belgique et en Suisse. Le Japon s’ouvre alors au monde.
Décidé à capitaliser au maximum sur sa culture populaire, le slogan de l’archipel devient alors "Cool Japan" dans les années 2000. Un concept qui laisse l’auteur mitigé: "Il n’y a plus que ‘Cool Japan’ aujourd’hui, un seul aspect de ce pays, ce qui me chagrine. Ne vous y trompez pas, le Japon ne s’ouvre pas! La tentation de la fermeture est toujours présente. Bien que le Japon soit en perte de population, il refuse l’immigration. La crise du Covid-19 a montré la tendance des Japonais à se renfermer, c’est ce qu’on appelle le sakoku, ou fermeture du pays. La première a eu lieu au 16e siècle, sous le règne des Tokugawa."
La Suisse et le Japon
"Beaucoup de Suisses sont partis au Japon à son ouverture, dans les années 1860-65, pour y faire affaire, précise l'auteur. Je vais vous révéler un secret: notre maison Chanel, avant d’être indépendante, était affiliée à une société de commerce suisse. Or, Chanel était la première société étrangère implantée au Japon! En 1865, un certain monsieur Fäschli arrive au Japon avec une valise pleine de boutons, espérant faire affaire car les Japonais commencent à porter des costumes."
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Adaptation web: ms
Richard Collasse, "Dictionnaire amoureux du Japon", éditions Plon.