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"Pi Ying Xi", les tribulations chinoises de Philippe Forest

Le romancier Philippe Forest.
Francesca Mantovani 
éditions Gallimard [éditions Gallimard - Francesca Mantovani]
Entretien avec Philippe Forest, auteur de "Pi Ying Xi" aux éditions Gallimard. / QWERTZ / 32 min. / le 9 février 2022
Dans un "roman chinois", Philippe Forest explore, une fois encore, sous la forme d'un récit de voyage doublé d'une fausse enquête policière, les thèmes qui traversent tous ses romans: la perte d’un enfant et son deuil impossible, les questions de la mémoire, du rêve et des hasards qui guident la plume.

C’est une oasis improbable. Une enclave exotique soustraite au regard des passants. En plein cœur du 13e arrondissement de Paris, à deux pas de son domicile, Philippe Forest découvre un jour la dalle des Olympiades. Un parc de béton abritant quelques maisons basses en forme de pagodes, prises en étau par de grands immeubles impersonnels.

Un appel mystérieux

C’est là, à la table d’un restaurant chinois, que le narrateur de "Pi Ying Xi; Théâtre d’ombres" découvre une énigme. D’un "fortune cookie", petit biscuit dur celant un billet, il extrait le message suivant: "Au secours! Je suis prisonnière dans le quartier chinois". Comme la graine qui porte en germe toute une arborescence, cet appel mystérieux ouvre au romancier un terrain d’enquête immense, quittant rapidement la description du quartier chinois parisien pour conter les tribulations de son narrateur dans la Chine d’aujourd’hui.

En Chine, j’étais allé chercher quelque chose. Une réponse à une question. Mais lorsque l’on ignore la question que l’on pose, il est très compliqué de savoir quelle réponse on va bien pouvoir lui trouver.

Philippe Forest, "Pi Ying Xi ; Théâtre d’ombres"

Mandarin des lettres françaises

Faux récit de voyage, thriller aux frissons avant tout métaphysiques, le nouveau roman de Philippe Forest déplace les questions fondamentales de l’écrivain français dans un ailleurs mystérieusement connecté à son quartier parisien par un jeu de signes, d’échos et de miroirs. Invité à de nombreuses reprises par des universités chinoises, Philippe Forest découvre la Chine par le biais de ses protocoles, ses mystères et ses interdits.

Et si les étudiantes - beaucoup de jeunes femmes - le considèrent comme un "mandarin" des lettres françaises, lui s’éprend d’une littérature chinoise dans laquelle il rencontre l’écho des thèmes qui lui sont chers: la perte et le deuil, la mémoire et l’oubli, le hasard et l’errance. Pendant quinze ans, jusqu’à la pandémie du Covid-19, l’écrivain fréquente la Chine et se laisse happer par son mystère, comme dans un rêve.

Je suis convaincu que, comme on dit, la vie est un roman, et que ce n’est qu’à condition de la considérer comme un roman qu’on peut éventuellement lui donner un semblant de sens.

Philippe Forest

Un roman en boucle

Construit en boucle, le récit de "Pi Ying Xi" revient au terme des souvenirs à son point de départ. Et l’énigme posée par le mystérieux appel découvert dans un biscuit prend un tour éminemment personnel lorsque le narrateur découvre, par la grâce d’une galerie marchande, que l’appartement qu’il occupe depuis quinze ans n’est situé qu’à quelques centaines de mètres d’un bâtiment qu’il reconnaît soudain: celui de l’ancien hôpital dans lequel sa fille a vécu ses derniers instants, vingt-cinq ans auparavant.

Comme la fameuse "Lettre dérobée" d’Edgar Allan Poe, cachée à l’endroit le plus visible, la clé de son attrait pour ce quartier sans grand charme était là, à deux pas. "Le pli est pris", admet l’auteur. Tout, dans l'œuvre romanesque de Philippe Forest, ramène toujours à ce drame initial, la perte de sa fille Pauline, morte d’un cancer à l’âge de 4 ans. Mais il faut parfois partir très loin, passer par la Chine même, pour retrouver dans d’autres formes, d’autres mots, la vérité de ce qui nous anime.

Nicolas Julliard/sb

Philippe Forest, "Pi Ying Xi ; Théâtre d’ombres", ed. Gallimard.

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