C’est dans un climat printanier que la 49e édition du festival international de bande dessinée d’Angoulême a débuté hier soir. Traditionnellement tenue en janvier, la situation sanitaire a décalé vers les beaux jours la grande messe de la BD. Une atmosphère clémente qui entraîne une certaine fraîcheur dans la programmation du festival.
Les scénaristes exposés
Comme chaque année de nombreuses expositions: L’américain Chris Ware, Grand Prix 2021, éblouissant dans sa maîtrise de la mise en page, de la calligraphie et du jusqu’au-boutisme de son travail. Les mangakas Shigeru Mizuki et Tatsuki Fujimoto, miroir du manga d’hier et d’aujourd’hui. Christophe Blain, Aude Picault, Mortelle Adèle et Simon Roussin s’exposent aussi, soulignant la formidable variété de cet art.
Un soin particulier est apporté cette année au métier de scénariste. Une grande exposition est consacrée à René Goscinny, papa d’Asterix et d’Iznogoud. Auteur prolifique, Goscinny a donné ses lettres de noblesse aux scénaristes, imposant que leurs noms soient apposés sur les couvertures, au côté de celui des dessinateurs. Ailleurs, l’autrice Loo Hui Phang (Prix René Goscinny 2021), passe en revue le travail de 34 scénaristes et alerte sur la précarité de ce métier. "Un choix intéressant sur un rôle phare de la bande dessinée qui est rarement mis en avant en festival", commente Boris Bruckler, conservateur ad interim du Centre BD de la ville de Lausanne.
Trois femmes
Le ou la lauréate du Grand Prix du festival est chaque année élu par les autrices et les auteurs de la profession. Cette année, le choix était féminin. Trois femmes en lice; évènement historique ou belle revanche sur la pléthore de trios masculins qui ont précédé? Une question que ne se posent pas les trois candidates, dont l’œuvre parle plus que leur genre. Pénélope Bagieux (Culottées, Les Strates), Catherine Meurisse (La légèreté, La jeune fille et la mer) et Julie Doucet. C’est cette dernière qui a convaincu ses pairs, s’offrant la plus prestigieuse récompense du 9e art.
Une artiste punk
Originaire du Québec, Julie Doucet est issue de la mouvance "underground" d’Amérique du Nord. Son fanzine Dirty Plotte, autopublié en anglais, sera traduit au début du siècle par la maison d’édition L’association, qui propose cette année une anthologie de son œuvre; Maxiplotte.
Son travail est volontiers punk, irascible et dérangeant. Elle fantasme son quotidien, se rêve en homme ou accouchant d’un chat. Dans un style crade et sans concession, elle va aborder un féminisme de fait et sans militantisme. Un choix singulier pour ce Grand Prix offert à une artiste ayant quitté la bande dessinée depuis presque vingt ans, mais dont l’œuvre reste résolument actuelle.
Didier Charlet/aq
Après-Covid
Le Festival d'Angoulême s'est ouvert mercredi soir après avoir dû annuler son édition 2021 en raison de l'épidémie de Covid-19 et reporter celle de 2022 à une date inhabituelle. Un mal pour un bien: depuis fin janvier, période à laquelle il se tient traditionnellement, la situation sanitaire s'est suffisamment améliorée pour permettre d'accueillir le grand public sans pass vaccinal, ni masque.
La dernière édition en date, en 2020, avait attiré près de 200'000 visiteurs dans la cité charentaise, qui revendique le titre de "capitale mondiale de la BD".
Hommage à l'Ukraine
Le Festival s'est ouvert mercredi soir par un "concert de dessins" en hommage au peuple ukrainien, qui affronte l'invasion de l'armée russe déclenchée en février.
Le dessinateur de BD américain Chris Ware, qui remettait le prix 2022 à Julie Doucet après l'avoir lui-même remporté en 2021, a comparé le président russe Vladimir Poutine à "la brute de la cour de récréation".