Côté public, la vie d'Alex Mayenfisch, c’est la réalisation de documentaires au cœur de la société suisse. Côté privé, c’est une chape de plomb et la découverte d’un secret de famille, désormais documenté dans le livre "Trois secrets, trois guerres, un papa". Un récit qu'il accompagne de ses propres dessins.
Alex Mayenfisch est né à Lausanne en 1954. Il vit une enfance à la dure, avec un père et une mère souvent absents. Une punition qui tourne mal et une chute du balcon dans le vide, des après-midis à faire de l’école de section et à défiler au pas avec les Cadets, ces scouts militarisés, une séance photo en uniforme de mini-parachutiste, les souvenirs déroulés par l'auteur dans son ouvrage ne sont pas des plus heureux. A l'âge de onze ans, Alex Mayenfisch perd son papa, décès suivi sept ans plus tard par celui de sa maman.
Au fil du temps, je finis par comprendre que ce n’est pas parce que la 'Grande Faucheuse' a emporté vos proches qu’ils disparaissent pour autant de votre vie. Je ne le sais pas encore, mais j’aurai l’occasion de l’expérimenter au-delà de l’imaginable…
Un père sympathisant nazi
Cinéaste autodidacte et engagé, adepte des problématiques sociales, militant dans les milieux associatifs, le Lausannois poursuit sa route. "Quand on est orphelin à 18 ans, on doit penser au futur. Je ne me suis jamais posé trop de questions sur le passé de ma famille", explique Alex Mayenfisch à la RTS.
Mais un jour, il apprend l'existence d'un demi-frère, puis d'un deuxième. Il découvre alors une sorte de journal intime de son père, qui parle de son adolescence, de son arrestation et de la fréquentation de soirées de sympathisants nazis. Une photo, surtout, bouleverse Alex Mayenfisch: celle de son père en uniforme de Waffen-SS. "C'est très dur. La Waffen-SS, ce sont les méchants des méchants, on est là dans le symbole, livre le réalisateur. Mon père a été jugé par la justice militaire, qui a admis sa version des faits: il a été forcé de s'enrôler. Cela n'aurait pas été le premier, ils ont été des milliers dans son cas. Mais il y avait des aspects un peu boiteux dans cette histoire, alors j'ai enquêté".
Vingt ans de recherches
Les recherches durent vingt ans et débouchent aujourd'hui sur un livre qui fait peut-être office de catharsis. "On s'est foutu de ma gueule. Sous les dehors d'une famille bourgeoise et respectable, on cachait les choses. Et quand on le réalise, on se sent trahi." Et de livrer cette mise en garde à tous les parents: "Ne mentez jamais à vos enfants! Avec les secrets de famille, vous faites du mal à vos descendants. La vérité est plus forte que vous, même après votre mort."
Une réalité qui résonne d'autant plus fort avec l'actualité ukrainienne et son cortège de traumatismes violents. "Les guerres ont des conséquences sur les générations qui viennent après. C'est à cela que je pense aujourd'hui quand je pense à l'Ukraine", dit Alex Mayenfisch.
Ce récit donnera-t-il lieu à un futur documentaire? "Non. L'écrire et le dessiner m'a permis de prendre une certaine distance. Mes documentaires sont souvent historiques et impliquent archives et témoins. Avec cette histoire, je n'en ai pas."
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Melissa Härtel
Alex Mayenfisch, "Trois secrets, trois guerres, un papa", éd. Cahiers dessinés.
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