Le 23 septembre 1714, un éboulement gigantesque dévaste la vallée de la Lizerne en Valais. Le bilan est très lourd: on pleure 15 morts et la perte de 170 bêtes. En 1786, le pasteur vaudois Philippe Bridel fait le récit de cette catastrophe, et son témoignage servira de base à Ramuz pour son roman "Derborence" paru en 1934.
On y suit un jeune couple, Thérèse et Antoine, fraîchement mariés. Au moment de l’éboulement, Antoine, qui accompagne son oncle à l’alpage, est porté disparu, alors que, parallèlement, Thérèse apprend qu’elle porte leur enfant. "Derborence" est l’histoire de cette séparation, de cette montagne qui prend les hommes, puis les rend, mais pas tout à fait pareils. Une histoire de vie, de mort, de fantômes et de l’amour d’une femme.
Faire connaître Ramuz aux plus jeunes générations
Lorsque les éditions Helvetiq le contactent afin d’adapter une œuvre de Ramuz en bande dessinée, Fabian Menor, peu familier avec le travail de l’ancien hôte des billets de 200 francs, choisit, immédiatement, "Derborence".
Je connaissais le nom de Ramuz, et les billets de banque, mais pas son travail. J’ai tout de suite aimé "Derborence" pour son côté légendaire. J’aime me baser sur des faits réels pour les rendre fictifs et y mettre du fantastique.
Encore faut-il ne pas être trop impressionné par son sujet: Ramuz, titan de la littérature romande, se laisse-t-il si facilement mettre en cases? "Mon avantage, c’était de ne pas avoir cette peur de la figure que représente Ramuz", confie Fabian Menor, qui ajoute que cette fraîcheur lui a permis d’aborder son travail avec candeur et neutralité.
Vieux pinceau et bec de plume
Alors que lui inspire "Derborence"? "J’aime la rapidité dans le dessin, explique le bédéiste genevois. J’ai une image en tête et je veux qu’elle apparaisse très rapidement; c’est ce que permet l’encre de Chine".
C’est aussi pour respecter l’écriture de Ramuz, rêche, rocheuse et naturelle, que Fabian Menor a utilisé un pinceau un peu abîmé pour les décors et une plume délicate pour les visages. Le contraste lui permet de rendre, de façon quasi subliminale, celui entre la tendresse qui lie les personnages entre eux face à la dureté de la montagne et de cet événement tragique.
La grande peur du climat
D’ailleurs, cette histoire d’effondrement de montagne survenu il y a trois cents ans n’est-elle pas un étrange écho aux bouleversements climatiques actuels qui nous préoccupent tant? "Pour moi, l’histoire de 'Derborence' peut se passer à n’importe quelle époque", commente Fabian Menor.
"L’être humain essaie à la fois de comprendre la nature et de la dominer; mais au final, elle gagne quand même, en nous laissant une chance ou pas. Dans 'Derborence', la montagne s’en sort, mais pour les humains, c’est la capacité à s’entraider qui va faire toute la différence."
Ellen Ichters/aq
Fabian Menor, "Derborence", ed. Helvetiq.
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