En Suisse, jusqu'au début des années 1980, des milliers d'enfants et adolescents sans famille ou issus de familles pauvres ont été placés dans des foyers, des orphelinats, des prisons, des fermes. On l'a fait officiellement pour les protéger, mais beaucoup de ces jeunes ont subi des abus.
L'artiste saint-galloise Lika Nüssli a décidé de raconter dans un roman graphique l'une des pages les plus sombres de l'histoire suisse, mais qui est plus intimement l'histoire de son père.
Lika Nüssli l'a longuement interrogé pour faire cette bande dessinée en noir et blanc intitulée "Starkes Ding". Un titre que l'on pourrait traduire par "Quelque chose de fort".
Les premières pages racontent une enfance joyeuse. Celle de Ernst croqué en quelques traits, cheveux hérissés et grandes oreilles. On le voit proche de sa famille, entouré d'animaux. Jusqu'au jour où, alors qu'il a 12 ans, un inconnu débarque à la ferme et dit: "J’ai entendu dire par votre voisine que vous avez cinq gamins. Ma femme a mal aux pieds, et nous aurions bien besoin de quelqu’un pour faire des courses."
Violence et force
Les dessins suggèrent alors la dureté du travail, la violence, l’épuisement. Mais la force aussi. "Je pense que la stratégie de survie de mon père était de montrer qu'il était fort", explique à la RTS Lika Nüssli. Il ne voulait tout simplement pas abandonner et il avait une responsabilité. Il savait qu'il devait subvenir aux besoins de sa famille avec cet argent qu'il gagnait chaque jour. Il a aussi reçu cette responsabilité de son père et il ne voulait pas le décevoir. Je pense qu'il a souffert d’avoir été placé, mais il voulait montrer qu’il pouvait faire face."
Et à la question de savoir ce que son père a pensé de sa bande dessinée, la jeune femme de répondre qu'il n'est pas vraiment féru d'art, mais "fier que ce livre existe".
"Starkes Ding" vient de paraître en allemand et devrait bientôt sortir en français.
Sujet radio: Pauline Rappaz
Adaptation web: aq
Lika Nüssli, "Starkes Ding", Edition Moderne.