"Albert Londres doit disparaître" propose une explication à la mort du reporter

Dans la nuit du 15 au 16 mai 1932, Albert Londres trouve la mort dans l'incendie du paquebot Georges Philippar qui le ramène de Shanghai à Marseille. Une fin tragique pour le premier grand reporter de l'histoire.

Né en 1884 à Vichy, le Français aurait voulu être poète. Mais ce sont finalement ses articles qui le rendent célèbre dès 1914, lorsqu'il couvre la Première Guerre mondiale. Durant sa carrière, il parcourt le monde, de l'Inde à l'Indochine, de la Palestine aux Balkans, de la Russie à l'Amérique du Sud. A la manière d'un lanceur d'alerte avant l'heure, il met le doigt sur des dysfonctionnements et ses reportages font des étincelles, suscitant la colère des autorités et l'indignation de l'opinion publique.

Célèbres articles

Parmi ses articles les plus fameux, il y a sur celui sur les conditions de vie des bagnards de Cayenne ou des internés d'hôpitaux psychiatriques en France. Il y a celui sur les exploits et les souffrances des cyclistes du Tour de France - qui consacrera l'expression de "forçats de la route" -  ou celui sur la traite des blanches en Argentine. En 1928, il fait aussi la lumière sur les méfaits et crimes de la colonisation en Afrique, s'attirant la foudre du président français Georges Clemenceau.

Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.

Une mort suspecte

Au moment de sa disparition en mer à l'âge de 47 ans, il est de retour de Chine où, après avoir couvert le conflit sino-japonais dès décembre 1931, il est resté pour enquêter sur un trafic d'armes et d'opium en Asie qui impliquait semble-t-il la Marine française. Un reportage qui aurait provoqué un véritable scandale d'Etat s'il avait pu le publier. Avant de rentrer, il annonçait que c'était "de la dynamite". Mais personne ne pourra le lire puisque ses papiers disparaissent en même temps que lui dans l'incendie.

Sachant cela, son décès accidentel devient très vite suspect. Le doute est de mise surtout lorsque l'on sait que les époux Lang-Willar, rescapés de l'incendie du George Philippar, à qui le reporter s'était confié sur le contenu de son reportage, meurent quelques jours plus tard lorsque l'avion qui devait les ramener à Paris s'écrase.

Rapidement, le mystère autour de sa mort attise les rumeurs. Et si on avait voulu faire disparaître Albert Londres? Depuis, de nombreuses publications ont cherché à faire la lumière sur cette affaire. De Régis Debray à Pierre Assouline, nombreux sont ceux qui écrivent sur le journaliste français, proposant différentes thèses sur les circonstances de son décès.

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Une bande dessinée centrée sur son dernier voyage

La dernière en date est une bande dessinée signée du scénariste Frédéric Kinder et du dessinateur Borris. C'est en travaillant sur son premier album "Tour de force", qui traite des forçats de la route, que Frédéric Kinder s'intéresse à Albert Londres. Son décès tragique et entouré de mystères attise sa curiosité et son imaginaire. Cela donnera le scénario de ce second album, "Albert Londres doit disparaître", qui est centré sur le dernier voyage du reporter en Chine et sur les conditions de sa mort.

Mais pourquoi vouloir revenir sur un événement déjà abondamment traité? "Aujourd'hui, tout le monde cherche à découvrir la vérité, mais ce ne sont que des déductions et des possibles, explique Frédéric Kinder à la RTS. Je voulais écrire un possible en y amenant de l'aventure, du polar et du mystère." Ce "possible" qu'il a retenu répond à tous ces critères puisqu'il s'agit de la thèse du complot.

A la lisière entre le roman d'aventure, d'espionnage et de polar, "Albert Londres doit disparaître" est donc une fiction basée sur des faits réels et ancrée dans un contexte historique précis et documenté, rehaussés par les magnifiques dessins de Borris. "Je ne connaissais rien d'Albert Londres. Je ne connaissais pas le personnage ni ce qu'il avait fait en Chine. J'ai beaucoup pataugé", avoue à la RTS le talentueux dessinateur de "Charogne".

Propos recueillis par Anne Laure Gannac

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

_{"Albert Londres doit disparaître", Frédéric Kinder et Borris, Editions Glénat.}