Emportée en début d'année par une maladie fulgurante, l'auteure Laurence Boissier laisse derrière elle une oeuvre singulière qui aura marqué la création littéraire de notre pays. Lauréate du prix suisse de littérature, du prix Pittard de l'Andelyn ou encore de celui des lecteurs de la ville de Lausanne, elle a également fait partie du collectif Bern ist überall qui regroupe des écrivains de toutes les régions linguistiques suisses. Ils lui rendent hommage ce soir par une lecture musicale de différents textes, certains créés pour l'occasion, certains de la plume de Laurence Boissier elle-même. Parmi les écrivains présents figurent les Romands Noëlle Revaz, Daniel de Roulet et Antoine Jaccoud, qui a travaillé de longues années avec Laurence Boissier.
"Ce que je retiens d'elle, c'est ce regard tout à la fois moqueur et doux, cet aveu de vulnérabilité qui finissait par être une force, se souvient-il. Ce n'était pas quelqu'un qui était dans l'assurance ou dans la certitude. Elle avait une présence au monde souriante et pleine de doutes, ce qui laissait toujours de la place aux autres."
Ensemble, ils auront parcouru les contrées alémaniques - entre autres! - pour ces performances littéraires. Face à un public non francophone, ils formaient une sorte d'ambassade romande itinérante: "cela nous obligeait à être encore plus proches et solidaires, analyse Antoine Jaccoud. Il fallait que nos textes aient une sorte de musicalité, une sorte d'oralité. On ne savait pas si on allait être compris ou, à défaut d'être compris, si on allait charmer."
Une oeuvre littéraire singulière
Au-delà de son activité dans le collectif, Laurence Boissier nous lègue une oeuvre littéraire unique, que veut célébrer la Maison Rousseau et Littérature à Genève. Après des textes courts, elle écrit le roman "Rentrée des classes" en 2017 qui illustre toute la singularité de son écriture, selon Sylviane Dupuis, spécialiste de la littérature romande et membre du conseil de fondation de la Maison Rousseau et Littérature: "elle a un regard sur la réalité qui est vraiment à elle; une manière d'amener par petites touches et par petits fragments des rapports décalés à la réalité, très émouvants, mais sans aucune sensiblerie. Il y a une grande élégance chez Laurence Boissier, mais en même temps quelque chose d'assez acéré dans l'observation sociale des comportements humains."
Une élégance qui avait déjà été remarquée lorsque Laurence Boissier n'était qu'une adolescente. Alors professeure au Collège Calvin, Sylviane Dupuis avait été frappée par cette jeune fille qui sortait du lot à tous points de vue, par son parcours douloureux, sa présence et sa discrétion : "elle était déjà très prise par la littérature, avec ses grands yeux, qui étaient en attente de quelque chose."
Un café littéraire pour les auteurs romands
A compter d'aujourd'hui, la Maison Rousseau et Littérature lance un nouveau concept, la "Stammtisch", une sorte de café littéraire qui aura lieu une fois par mois. Les auteurs et auteures suisses pourront s’y retrouver et échanger de façon spontanée sur leur pratique d'écriture et l'actualité, loin des institutions. Un espace vivant, tourné vers l’avenir, que Laurence Boissier aurait souhaité voir exister.
Charlotte Frossard
La soirée d'hommage a lieu le mercredi 1er juin à la Maison Rousseau et Littérature à Genève, dès 17h pour la Stammtisch et dès 18h30 pour la lecture musicale du collectif Bern ist überall. Le collectif sera également au festival du Tounô à St-Luc le 11 août 2022.