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Avec "Tu seras mon père", Metin Arditi se penche sur l'Italie des Brigades rouges

Metin Arditi. [DR - JF Paga]
Entretien avec Metin Arditi, auteur de "Tu seras mon père" / QWERTZ / 30 min. / le 8 juin 2022
"Tu seras mon père" explore avec délicatesse le sujet de prédilection de l'auteur suisso-turc: la figure paternelle. Metin Arditi plante cette fois l'histoire dans le séisme géopolitique de l'Italie des années de plomb et des Brigades rouges. Un récit qui questionne la famille, l'exil et l'appartenance.

Entre les années 1960 et 1980, l'Italie est en proie à un bouleversement politique. Lors de cette période appelée aussi "années de plomb", les inégalités sont immenses. Un groupuscule d'ouvriers intellectuels autodidactes est créé: les Brigades rouges. Ce parti d'extrême gauche souhaite réorganiser la société italienne en une société plus égalitaire. Les tensions politiques sont si fortes que les brigadistes se mettent à lutter avec violence.

Un fait réel comme point de départ

Cette période, Metin Arditi la connaît bien parce qu'il l'a vécue. C'est d'ailleurs un fait réel qui lui a inspiré le point de départ de son roman: "J'ai vécu la montée des Brigades rouges et les années de plomb à Milan dans les années 1970. Leur impact graduel sur le quotidien des gens en Italie m'a fortement touché. J'ai connu un industriel qui a perdu la vie durant cette période, kidnappé, libéré contre rançon, puis qui s'est suicidé trois semaines après, détruit… Il a été mon inspiration pour mon personnage Francesco Barro, le père de Renato Barro", explique l'auteur à la RTS.

Une double identité

Parallèlement à cette inspiration autobiographique, Arditi développe l'idée d'un brigadiste en fuite, caché dans le Haut-Valais. Selon lui, les extrêmes de tous bords se rejoignent: "La radicalité politique qu'on trouve dans les hautes montagnes suisses n'est pas très loin de l'extrémisme des brigadistes italiens des années 1980". La fuite, le masque, la double identité sont des thématiques récurrentes qui font avancer ce récit.

Le personnage principal, Renato Barro, exilé de sa Vérone natale, se retrouve à l'internat lausannois Alderson (un lieu récurrent lui aussi dans les romans de l'écrivain) pour étudier. Il y rencontre Paolo Mantegazza, son nouveau professeur de théâtre. Sur scène, ils travaillent ensemble "A chacun sa vérité", texte signé Luigi Pirandello, dramaturge italien du début du XXe siècle. Le jeune étudiant se révèle brillant et parvient très vite à se mettre dans la peau de son personnage. Une relation profonde, paternelle et amicale naît entre ces deux-là. Paolo, l'enseignant, fait tout pour aider Renato à se faire une place dans l'internat. De son côté, Renato met tout en oeuvre pour ne pas perdre l’estime de son professeur, qu'il admire par-dessus tout.

Le pardon

Le tragique n'étant jamais très loin dans ce roman dont le titre fait irrémédiablement penser à un commandement de la Bible, Renato Barro va découvrir la vraie identité de Paolo Mantegazza. Ce dernier, dans une vie antérieure, était brigadiste sous un autre nom et l'instigateur numéro un du kidnapping de son père de sang, Francesco Barro.

Profondément choqué, l'adolescent coupe le cordon pendant sept longues années avec son professeur. "Réfléchir sur le pardon est le travail de toute une vie", selon Metin Arditi, qui souligne que "la thématique du pardon est venue en écrivant, car je n'ai jamais abordé ce type de thématique dans mes romans… C'est une sorte de transfert pour moi. Parce que ce qu'on demande en général à quelqu'un, c'est de payer pour son crime. A mon sens, il ne faut pas accorder son pardon parce que l'autre a payé pour ses actes, mais pour ce que l'autre nous a donné."

Layla Shlonsky/ld

Metin Arditi, "Tu seras mon père", ed. Grasset.

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