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Sur les chemins de Compostelle en compagnie de la bédéiste Lili Sohn

La couverture du livre "Partir. Sur les chemins de Compostelle" de Lili Sohn. [Casterman]
Lʹinvitée : Lili Sohn "Partir sur les chemins de Compostelle" / Vertigo / 17 min. / le 8 juillet 2022
Relevant un défi lancé par son éditrice et son agent, l'autrice française Lili Sohn a marché durant 45 jours sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une expérience d'introspection et de désintoxication numérique qu'elle raconte dans le roman graphique "Partir".

Lili Sohn s'est fait connaître en 2014 en racontant sa lutte contre un cancer du sein particulièrement virulent sur son blog "Tchao Günther", récit qui a été par la suite décliné en bande dessinée dans "La guerre de tétons" (éd. Michel Lafon). En 2015, elle publie "Vagin Tonic", un guide décontracté et détaillé  de l'anatomie féminine, suivi de "Mamas" (éd. Casterman), une bd qui questionne le concept d'instinct maternel.

Après ces trois ouvrages en forme de réflexions sur la vie des femmes, la bédéiste française publie "Partir. Sur les chemins de Compostelle" (éd. Casterman), un nouveau roman graphique qui peut sembler un pas de côté dans son oeuvre. "On reste sur l'intime et sur l'expérience personnelle, c'est de la même veine", estime pourtant Lili Sohn, interrogée par la RTS.

Introspection et désintoxication numérique

Partir seule faire le pèlerinage de Compostelle est un défi que lui lancent son éditrice et son agent. A ce projet initial, la jeune femme de 36 ans, qui a une vie très connectée et qui se décrit comme complètement accro aux réseaux sociaux où elle est suivie par des milliers de followers, ajoute une composante supplémentaire: se déconnecter complètement et partir sans écran. "J'avais envie de pousser l'expérience à l'extrême. Le ressenti aurait été moins fort si j'avais été connectée", analyse-t-elle.

45 jours pour 1250 km. Avec un défi de 25 km/jour. Si si, vous avez bien entendu. A moi le Saint-Jacques!

Extrait du documentaire "Digital détox" de Lili Sohn

Lili Sohn relève donc le défi et part sur les chemins de Compostelle. Deux mois d'introspection, de désintoxication numérique, de solitude et de remise en question qu'elle raconte dans le documentaire "Digital détox", diffusé il y a quelques mois sur la télévision française, et dans le roman graphique "Partir" paru en mai.

Apprivoiser le vide et la solitude

Au début de son voyage, elle écrit, dessine et pense beaucoup trop, obnubilée par le besoin de remplir l'espace, de combler cette solitude ressentie à l'extrême. Il lui faut du temps pour apprivoiser ce vide et pour se détacher de cette volonté de tout restituer. L'écriture du roman graphique se fait à son retour "avec tout ce que j'avais ramassé sur le chemin".

Au début, c'était assez compliqué d'apprivoiser ce vide, ce rien. Et à la fin, totalement jouissif.

Lili Sohn, autrice de la bd "Partir. Sur les chemins de Compostelle"

Dans son roman graphique, elle raconte son vécu intime et intérieur, y compris les prémices du projet et la préparation mentale et physique effectuée avant son départ. On y perçoit ses doutes et ses questionnements sur elle-même, mais également sur la société en général. Voyage solitaire, elle fera pourtant de nombreuses rencontres - parfois très belles, d'autres fois pas du tout - dont quelques-unes sont relatées dans son ouvrage.

Une renaissance symbolique

En partant de la maison de ses parents qui habitent sur le chemin de Compostelle, ce pèlerinage prend des allures de renaissance symbolique pour l'autrice, qui y a aussi vu un aspect thérapeutique. "Cette marche qui est vraiment méditative avec ce mouvement et cette lenteur, c'est un appel au calme et à la réflexion. (...). Quand on est dans ce vide-là, on commence à creuser, à réfléchir à qui l'on est, panser ses blessures. Même si on ne vient pas pour ça, d'une certaine manière on en ressort un peu guéri".

Et même si elle n'a pas tenu toutes les résolutions qu'elle avait prises à la fin de ce voyage, elle a désormais une utilisation plus raisonnée des réseaux sociaux. Mais le plus important, c'est que cette expérience lui a appris qu'elle était plus forte qu'elle ne le croyait. "Ca m'a apporté beaucoup de force. J'ai réalisé que j'étais indépendante et capable de subvenir à mes besoins spirituels et de bonheur."

Prochain défi pour Lili Sohn: partir bivouaquer seule dans la nature.

Propos recueillis par Anne Laure Gannac

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

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