Le premier roman de Sarah Jollien-Fardel a déjà été remarqué par plusieurs journaux et médias français comme Le Monde, Libération et Médiapart. "Sa préférée" raconte l'histoire d'une narratrice confrontée à la brutalité et à la maltraitance de son père sur fond de montagnes en Valais. Elle quitte son village, se réfugie à Lausanne et se reconstruit.
Les douze membres de l'Académie Goncourt ont retenu au total quinze titres. Certains étaient attendus comme "Le coeur ne cède pas" de Grégoire Bouillier ou "La vie clandestine" de Monica Sabolo, où l'autrice revient sur les secrets de son enfance passée entre Milan et Genève. Dans le même temps, elle part à la recherche des anciens membres du groupe terroriste d'extrême gauche d'Action directe.
D'autres choix sont plus surprenants, tels que "Beyrouth-sur-Seine" de Sabyl Ghoussoub, jeune auteur franco-libanais, ou "Le mage du Kremlin" de Giuliano da Empoli, paru en avril.
Virginie Despentes écartée
Vedette de cette rentrée littéraire, Virginie Despentes a vu son roman "Cher connard" porté par une critique très favorable et des ventes qui ont atteint déjà quelque 65'000 exemplaires. D'après ceux qui ont adoré ce roman sur l'addiction et le mouvement #Metoo, l'auteure française se devait pourtant d'être sur la liste du Goncourt 2022. Lauréate du prix Renaudot en 2010 pour "Apocalypse bébé", Virginie Despentes a été jurée du Goncourt pendant quatre ans, avant de démissionner en janvier 2020 pour se consacrer à l'écriture.
"Il n'a pas été évoqué parce que, pour nous, c'est une évidence: Virginie Despentes ne peut pas concourir", a expliqué Didier Decoin, président de l'académie Goncourt depuis janvier 2020. "Sur le plan éthique, c'était irrecevable. Et cela ne veut pas du tout dire que nous n'avons pas aimé le livre de Virginie, au contraire...".
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Son éditeur, Grasset, ne place aucun titre dans cette première sélection, tandis que son rival Gallimard en a trois, et Flammarion et Stock deux chacun. Le Goncourt, plus prestigieux des prix littéraires français, doit être décerné le 3 novembre.
Les prestigieux prix littéraires d'automne donnent cette semaine le coup d'envoi de leur édition 2022, avec peu d'élus et beaucoup de déçus dans cette bataille impitoyable entre romanciers qu'est la rentrée de septembre.
Pour les auteurs qui y placent leur livre, parmi quelques centaines de concurrents, c'est un signal qu'ils comptent et sont dans la course. Ou, quand ils n'ont que très peu de chances de l'emporter, ils savent que leur livre a suscité de la sympathie.
Attirer l'attention
À en croire les libraires, se placer dans la première sélection du Goncourt ne garantit pas d'accélérer ses ventes dans les jours qui suivent. Mais cela attire l'attention de la critique et de la presse sur des titres parfois restés discrets. Les deux derniers lauréats du Goncourt peuvent en témoigner.
Hervé Le Tellier, en 2020, était vu en août comme un second couteau, avec "L'anomalie" (12'500 exemplaires pour le premier tirage). Mais en septembre, en figurant parmi de nombreuses listes (prix Goncourt, Renaudot, Médicis, Décembre), il avait intrigué tous les journalistes littéraires.
Quant à Mohamed Mbougar Sarr, en 2021, en publiant à 31 ans un roman exigeant ("La plus secrète mémoire des hommes"), il avait attiré l'attention d'un nombre impressionnant de jurys: Goncourt, Renaudot, Femina, Médicis et Académie française.
Prix du Monde
C'est mercredi que le Renaudot publiera sa première sélection, un prix que Virginie Despentes a déjà remporté en 2010.
Le même jour, Le Monde remettra pour la dixième fois son prix littéraire. Dix titres ont été sélectionnés par la rédaction du quotidien. Des premiers romans qui font parler d'eux, comme "En salle" de Claire Baglin ou "Ils vont tuer vos fils" de Guillaume Perilhou, côtoient des têtes d'affiche de cette rentrée, comme "La vie clandestine" de Monica Sabolo ou "Quand tu écouteras cette chanson" de Lola Lafon.
Jeudi, jour de la première sélection du Femina, la Fnac décernera également son prix littéraire. Il est d'autant plus convoité que cette enseigne, l'un des plus gros vendeurs de livres en France, fait dans ses magasins la promotion du titre primé, qui peut être français ou étranger.
Cinq sont finalistes, dont l'Américain d'origine finlandaise Karl Marlantes pour "Faire bientôt éclater la terre", et une révélation de cette rentrée 2022, Maria Larrea avec "Les gens de Bilbao naissent où ils veulent".
ats/mh
La première sélection du Prix Goncourt:
- Muriel Barbery, "Une heure de ferveur" (Actes Sud)
- Grégoire Bouillier, "Le coeur ne cède pas" (Flammarion)
- Nathan Devers, "Les liens artificiels" (Albin Michel)
- Giuliano da Empoli, "Le mage du Kremlin" (Gallimard)
- Carole Fives, "Quelque chose à te dire" (Gallimard)
- Sabyl Ghoussoub, "Beyrouth-sur-Seine" (Stock)
- Brigitte Giraud, "Vivre vite" (Flammarion)
- Sarah Jollien-Fardel, "Sa préférée" (Sabine Wespieser)
- Cloé Korman, "Les presque soeurs" (Seuil)
- Makenzy Orcel, "Une somme humaine" (Rivages)
- Yves Ravey, "Taormine" (Minuit)
- Pascale Robert-Diard, "La petite menteuse" (L'Iconoclaste)
- Emmanuel Ruben, "Les Méditerranéennes" (Stock)
- Monica Sabolo, "La vie clandestine" (Gallimard)
- Anne Serre, "Notre si chère vieille dame auteur" (Mercure de France)