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David Lopez, artisan de l’oralité dans "Vivance"

David Lopez. [Bénédicte Roscot]
Entretien avec David Lopez, auteur de "Vivance", aux éditions du Seuil. / QWERTZ / 34 min. / le 12 septembre 2022
Après "Fief", premier roman très remarqué, l’auteur français David Lopez continue à ausculter la France des marges. Au hasard des petites routes, le narrateur de "Vivance" va faire une série de rencontres, à la fois banales et touchantes.

On ne saura pas grand-chose de ce narrateur. Pas même son prénom. Au fil du livre, on va toutefois glaner quelques informations. Il vit seul depuis que Renata est partie, il ne se remet apparemment pas de ce départ et il a arrêté de travailler. Il a décidé de repeindre un mur avec un petit pinceau, il n’habite ni à la ville ni à la campagne, et un jour il a eu l’idée de faire une virée à vélo sans savoir où elle allait le mener. Et là, il est chez Noël.

La poésie de l’instant

Ce livre alterne les moments d’une soirée où deux solitudes s’affrontent, et les souvenirs récents du narrateur. Ceux des derniers jours qu’il a passés chez lui, alors qu’une crue biblique envahit son quartier. Ceux du "road-movie" qui l’a conduit jusque dans la maison de Noël. On pourrait croire ce deuxième roman de David Lopez très différent du premier, "Fief" (2017), qui racontait le quotidien de jeunes gens de la grande banlieue. Il en est le prolongement, la suite logique.

François ne tient pas bien sur ses jambes, et Francine est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ça implique qu’il tombe, et qu’elle oublie qu’il est tombé. Ils ont quinze ans d’écart, il aura bientôt quatre-vingt-dix ans, physiquement elle se porte mieux que lui mais n’en a pas la moindre idée.

David Lopez "Vivance"

David Lopez raconte la France dite périphérique. Après les jeunes garçons de son premier livre, il s’intéresse ici à une population plus large, des individus d’âges divers. Au hasard des petites routes, son narrateur va faire une série de rencontres, à la fois banales et touchantes. Chaque personne croisée lui confie un peu de sa vie, lui lègue un secret. Là où un Nicolas Mathieu proposerait une analyse sociologique, David Lopez s’en tient à la poésie de l’instant. Rien n’est jamais vraiment expliqué, mais les confidences laissent entrevoir les failles et les espoirs déçus. On sent, chez le jeune auteur, un réel plaisir d’écriture dans cette création d’une galerie de portraits.

Le trajet du lecteur est en miroir avec le mien. Moi-même j’ai mis beaucoup de temps à comprendre mon personnage. Dans un premier temps, je n’avais pas compris qu'il fallait chercher en moi les raisons de son mal-être à lui.

David Lopez

Une langue remarquable

Le plus remarquable chez David Lopez reste toutefois sa façon de travailler le langage. Son premier roman séduisait par sa tonalité rap, son emploi du verlan, ce français des banlieues dont il avait réussi à faire une langue d’écriture. Même inventivité ici, et dès le titre, avec une passion pour les néologismes, les créations lexicales, de subtils déplacements de sonorités et de sens. On est séduits par sa phrase étirée, qui embarque des dialogues sans guillemets et sait intégrer les murmures et les silences. Une phrase pour dire sans le dire la beauté des territoires marginaux, ces lieux sans noms ni descriptions précises dont il a fait sa géographie intime.

Sylvie Tanette/mh

David Lopez, "Vivance", éd. Le Seuil.

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