Corinne Desarzens dresse le portrait d'un Churchill au-delà du cliché

Vous n’y trouverez pas une biographie dans les règles de l’art, mais plutôt une promenade qui longe les contours souvent inattendus du célèbre homme au cigare. Son quotidien, épuisant, surtout pour ses secrétaires, ses habitudes, forcément excentriques, son amour pour ses poissons rouges, son obsession pour les comptes et les œufs, ses pantoufles en antilope grise.

Un véritable portrait par la marge que Corinne Desarzens dessine en moins de 200 pages dans un style parfois à la limite du télégraphique. "Je suis une vieille dame, ce qui me donne un peu l’assurance de m’attaquer à ce monument", plaisante-t-elle, avant de préciser qu’à vingt ans, elle n’aurait pas osé.

Les histoires de guerres ou les histoires de soldats, d’attaques de villes, c’était réservé aux garçons. Les filles lisaient à la limite "Le comte de Monte-Cristo" ou "Les Trois Mousquetaires", mais pas ça.

Au-delà du cliché

De Churchill, on ne connaît que trop les excès de boisson, de nourriture, et l’absence d’exercice physique, tous largement exagérés pour servir une image à l’emporte-pièce. Ses initiales aussi, WC, qu’on ressort quand on est en manque d’anecdote potache.

"C’est faux!", s’insurge Corinne Desarzens, agacée qu’on résume son Winston aussi grossièrement, avant de préciser qu’entre son prénom et son nom, il glissait toujours un "S", pour Spencer - "oui, la même famille que Diana", ajoute-t-elle.

Descendant des ducs et comtes de Marlborough, Winston (intéressant de noter que les deux noms sont aussi des marques de cigarette) connaît par cœur toutes les batailles de ses ancêtres, mais vit surtout une enfance carencée en amour parental. "Des parents à qui Winston, suppliant, désespéré, écrira soixante fois et qui ne lui répondront, eux, que six fois."

Cochons, dindes et fraises

Un déficit d’affection qui sera comblé par Clementine, ou Clem, grand amour de Churchill avec qui il coulera des jours heureux. Avec celle qui le surnommait "my pug" (mon petit cochon), il emménage à Chartwell, petite propriété de 30 hectares dans le Kent.

Un havre de bonheur pour lequel le couple s’endette, mais où Winston peut à loisir nourrir ses poissons rouges, parler à ses dindes et prendre soin de ses cochons. "Il avait une longue brosse avec laquelle il leur caressait le dos pour leur bien-être. Si j’avais été un cochon, j’aurais adoré qu’on me fasse ça", se prend à rêver Corinne Desarzens. Quant aux fraises, elles sont toujours cueillies encore vertes, et présentées dans le panier la tête en bas pour prouver leur fraîcheur. On se le demande: dans quelle autre biographie du double Prime Minister pourrait-on trouver pareille anecdote ?

Sept minutes chrono pour entrer dans l’Histoire

Le 10 mai 1940, de justesse et sans aucun soutien, Winston Churchill est élu une première fois Premier ministre, tandis que la majorité des troupes anglaises sont piégées à Dunkerque par l’armée de Herr Schicklgruber, ainsi que Churchill nomme pour l’humilier Hitler, afin de lui rappeler la naissance hors mariage de son père.

Trois jours plus tard, il entre dans l’histoire par un discours iconique de sept minutes devant la Chambre des Communes et lors duquel il dira: "Je n'ai à offrir que du sang, des larmes et de la sueur". Il a déjà 65 ans; dans la salle, la future Elizabeth II l’entend, elle en a tout juste 14.

Lors de cet interview avec Corinne Desarzens, la Reine d’Angleterre était toujours vivante. Depuis, l’une des dernières personnes à avoir fréquenté personnellement Winston Churchill s’est éteinte à son tour.

Ellen Ichters/aq

Corinne Desarzens, "Un noël avec Winston" ed. La Baconnière.

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